Depuis son émergence à la fin des années 1960, le heavy metal a toujours constitué une extension musicale monstrueuse du cinéma hollywoodien. Les musiciens de metal témoignent d’un amour immodéré pour le septième art, y faisant référence dans les paroles de leurs chansons, dans la mise en scène de leurs clips ou même, de manière plus subtile, dans leur langage musical. Au sein de cette dynamique où l’admiration confine à la filiation revendiquée, les gestes d’hommages à John Williams ne manquent pas : figure centrale du symphonisme, le compositeur incarne un idéal pour toute une génération de musiciens de metal née dans les années 1950 à 1970. Ce lien intense se traduit en premier lieu par une importante circulation transphonographique : les reprises et emprunts sont extrêmement nombreux et, au-delà, il est possible d’identifier des éléments plus discrets qui révèlent l’influence manifeste de John Williams dans le monde du heavy metal, notamment sur le plan de l’harmonie. Analyser de tels transferts nécessite de prendre en considération une grande diversité de phénomènes : il serait, en effet, abusif de réduire la transposition stylistique de la musique symphonique de Williams dans le heavy metal à un unique modèle. Les approches de musiciens tels qu’Epica, Galatic Empire (un groupe exclusivement consacré aux reprises des musiques de Star Wars) ou Persefone diffèrent grandement. Plus encore, internet regorge de reprises de musiciens amateurs ou semi-professionnels qui s’approprient les grands thèmes williamsiens et les arrangent parfois sans passer un seul instant par le médium de la partition – autant de pratiques qu’il convient d’interroger. Ces musiciens se mettent fréquemment en scène dans des vidéoclips en reprenant des éléments visuels (costumes, décors, instruments customisés) ou chorégraphiques (reproduction de scènes de combats) qui dessinent un hommage à la fois pluriel et cohérent à la saga de George Lucas. Sans nous limiter à observer les « simplifications » opérées par ces metalleux, notre communication s’attachera donc à décrypter les gestes appropriatifs et interprétatifs des musiciens de metal. Cette analyse sera l’occasion de croiser un regard musicologique à des considérations sociologiques et économiques relatives aux pratiques amateurs, mais aussi et surtout d’appréhender les modalités de réception et d’appropriation d’une culture d’héritage savant (le symphonisme hollywoodien de tradition postromantique) par des acteurs des musiques populaires.