Phrase initiale, faille initiale : le texte de fiction à l'épreuve du commencement - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2022

Phrase initiale, faille initiale : le texte de fiction à l'épreuve du commencement

Résumé

Rupture, discontinuité, fracture, ces termes pourraient aussi bien correspondre à la notion de faille qu’à celle de commencement. Le commencement est le lieu critique de l’apparition d’une forme discontinue qui rompt avec l’avant. Pour ce qui concerne précisément l’oeuvre de fiction, le commencement est l’endroit d’une cassure entre le blanc et le texte, entre le silence et le verbe, entre le monde ordinaire et le monde fictionnel. En cela, la première phrase d’un texte de fiction dessine un contour qui tout à la fois fait exister ce texte, l’univers fictionnel qu’il établit, et expose leur fragilité, leur arbitraire. Cette cassure est également une zone d’échange et de compatibilité entre les deux espaces qu’elle sépare. La faille géologique apparaît lorsqu’un support, la croûte terrestre, connaît une cassure, une discontinuité du même, là où une continuité était attendue et escomptée. De l’autre côté de la faille, c’est le même support qui reprend, la même substance qui continue, mais sur un plan décalé. La métaphore est opérante pour caractériser l’apparition du monde fictionnel, qui se détache du monde ordinaire tout en se composant de façon mimétique de ses ingrédients ; elle fonctionne aussi pour les représentations qui naissent dans la cognition du lecteur par le réemploi de représentations des référents du monde ordinaire, et pour tout un ensemble de processus mentaux usuellement dévolus au traitement de contenus sérieux qui se trouvent détournés pour servir l’activité imaginative. La première phrase porte le texte aux limites de ce qui fait texte (les définitions de la notion de texte envisagent généralement une série de n-ièmes phrases) et le fictif au paroxysme de son arbitraire (pourquoi cet univers fictif apparaît-il plutôt qu’il n’y ait rien ?). Le début in medias res, lorsqu’il propulse sans ménagement le lecteur au milieu des choses, ne cherche pas à camoufler ces failles, il les exagère plutôt. On fait l’hypothèse qu’il les utilise même pour séduire le lecteur et accélérer son accès à un état d’immersion fictionnelle : l’activité inférentielle est accrue, forcée par le surgissement brutal du fictif et par la façon dont des marqueurs anaphoriques, par exemple, peuvent préconstruire un avant-le-texte inaccessible au lecteur (des exemples seront proposés). Le fictif commence là, en faisant croire qu’il existe avant le texte, sans le texte, invitant le lecteur à enjamber la faille initiale qui apparaît tout à la fois comme étant du fictif le principe fondateur et le point le plus faible.

Domaines

Linguistique
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03901719 , version 1 (15-12-2022)

Licence

Identifiants

  • HAL Id : hal-03901719 , version 1

Citer

Virginie Passot-Valentin. Phrase initiale, faille initiale : le texte de fiction à l'épreuve du commencement. Failles, SAES, Jun 2022, Clermont Ferrand (FR), France. ⟨hal-03901719⟩
9 Consultations
0 Téléchargements

Partager

Gmail Mastodon Facebook X LinkedIn More