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Communication Dans Un Congrès Année : 2022

Entre pérennisation de l’urgence et formalisation de l’informel : les enjeux de transformation d’une occupation citoyenne

Résumé

L’association Rosmerta qui émane d’une mobilisation citoyenne, organise l’hébergement et l’accompagnement d’exilé.e.s au centre d’Avignon dans un bâtiment d’environ 400 mètres carrés. Ce lieu inoccupé (propriété de l’évêché du Vaucluse) a été réquisitionné en décembre 2019. Initialement pensé comme un centre social autogéré, il héberge rapidement une cinquantaine de jeunes dans des dortoirs improvisés, ainsi qu’une demi-douzaine de familles dans des chambres. Une centaine de bénévoles est engagée dans l’association depuis sa création et aujourd’hui ce sont des dizaines d’anciens habitants de Rosmerta qui passent quotidiennement dans le lieu. Rosmerta, malgré la pandémie et les confinements qui ont impacté ses activités, organise des cours de français, de l’aide aux devoirs, des permanences juridiques et de suivi administratif et médical, mais aussi des activités culturelles de levée de fonds, comme des concerts, soirées et repas partagés. Les jeunes sont scolarisé.e.s, certain.e.s suivent des apprentissages professionnels, et nombreux sont celles et ceux qui se voient reconnu.e.s par l’Aide Sociale à l’Enfance suite à l’accompagnement par les bénévoles. L’accompagnement proposé par les bénévoles se veut global et se calque sur les domaines de compétences des professionnels de la protection de l’enfance. Preuve de la qualité de l’action bénévole, certains habitants ayant pu se réinscrire dans des parcours institutionnels de protection continuent de solliciter ces bénévoles pour pallier aux suivis, jugés trop faibles, proposés par les travailleurs sociaux de l’ASE. Ces travailleurs sociaux, agents des institutions, peuvent d’ailleurs « orienter » vers Rosmerta des exilés qui se trouvent dans la « zone grise » du maillage des dispositifs institutionnels. Dès lors, comment doit être considéré Rosmerta : comme une association militante, une quasi institution, un tiers lieu ? Le 15 février 2021, un jugement donne raison au propriétaire et les habitant.e.s de ce lieu en sursis pourront légalement être expulsé.e.s à la fin de la trêve hivernale en mars 2022. Cette menace contraint les bénévoles à interroger leurs pratiques, la pérennité de leurs actions et à chercher des financements pour acheter le bâtiment. Dès lors, les tensions sous-jacentes prennent une place prépondérante dans les débats : faut-il opter pour l’informalité comme mode de gouvernance ou l’institutionnalisation du lieu ? L’association doit-elle se diriger vers des formes de professionnalisation des engagements et des pratiques militantes ou doit-elle craindre ce processus qui pourrait réifier la nature du projet de base ? Les postures des bénévoles sont questionnées parfois jusqu’au clivage : politisation des discours et a contrario distanciation assumée de la dimension politique de l’activité. Dans le cadre de cette communication, nous aimerions raconter l’histoire de l’occupation de ce bâtiment et de la naissance de l’association, en saisissant la chronologie du lieu et des moments clés. L’objectif est d’une part de pouvoir observer et analyser l’émergence puis la mise en retrait de la dimension politique du projet au profit d’une dimension plus opérationnelle et d’autre part d’interroger la transformation du projet pris en étau entre la contrainte de l’expulsion du bâtiment et la quasi normalisation du lieu. Nous souhaiterions également revenir sur les effets d’une automatisation et d’une augmentation qualitative des accompagnements, tant sur les attentes des habitants envers les bénévoles (sentiment que l’aide apportée est un dû : l’hébergement, le couvert, l’accompagnement quotidien etc. impression que les bénévoles sont des professionnels formés et rémunérés pour réaliser leur activité) ; que des bénévoles vers les habitants (passage d’un projet co-construit où les difficultés sont affrontées conjointement à un fonctionnement institué où différents rôles cohabitent et où les bénévoles déplorent le manque d’investissement des habitants etc.). Pour ce faire, notre réflexion repose sur un contenu ethnographique relevé lors de plusieurs terrains en immersion avec une approche pluridisciplinaire. Cette recherche est menée de manière collaborative avec les habitant.e.s et les bénévoles entre 2021 et 2022. Observation participante, entretiens et récits biographiques nourrissent nos corpus. Cette entrée par le récit polyphonique d’une mobilisation citoyenne nous permettra d’interroger les enjeux de transformation de cet espace à travers les pratiques de visibilisation et d'invisibilisation du lieu, de l’action et du rapport au politique, ainsi que l’ambivalence des actrices et acteurs (bénévoles, habitant.e.s) et des institutions à son égard. Car Rosmerta n’est pas un simple bâtiment : il est le produit d’actions et de mobilisations citoyennes et sa matérialité d’occupation l’ancre dans l’espace local (l'Évêché, le milieu artistique, l'hôpital, les écoles, les voisin.e.s et la cour comme lieu de réception de fêtes ouvertes aux voisinage). Il fait événement dans la cité et symbole d’une présence politique et d’une pratique solidaire.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03877339 , version 1 (29-11-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03877339 , version 1

Citer

Jérémy Baudier, Evangeline Masson-Diez. Entre pérennisation de l’urgence et formalisation de l’informel : les enjeux de transformation d’une occupation citoyenne. L’accueil des migrants en ville : les politiques urbaines et les mobilisations citoyennes en question : colloque international, Université Toulouse – Jean-Jaurès, May 2022, Toulouse, France. ⟨hal-03877339⟩
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