D’un point de vue diachronique, mémoriel, la question de l’historicisation des injustices offre un champ de recherche passionnant et très important d’un point de vue politique et sociétal. Car quelle est au fond la durée d’une injustice ? Un descendant de personne esclavagisée peut-il ainsi être légitimement éligible à des réparations pour une injustice qui, par définition, n’existe plus dès lors qu’il n’est lui-même pas esclavagisé ? En quoi un Africain naturalisé américain au 21ème siècle devrait-il, en tant que contribuable, verser des réparations aux descendants de personnes esclavagisées ? Et quid des injustices économiques et sociales ? Se pose ici, sous un mode moins attendu, la question de la logique de classes, car toutes les injustices ne sont-elles pas finalement, en tout cas à terme, des injustices économiques ? Dans la société états-unienne contemporaine, le socialisme démocratique d’un Bernie Sanders, à la gauche de la gauche du bipartisme, n’est-il tout simplement pas porteur d’une justice réparatrice économique et sociale qui cherche à inverser le stigmate pour réhabiliter les droits de naissance de tout citoyen américain que sont le libéralisme et la citoyenneté ? Et quid, au-delà des injustices matérielles, de la mémoire traumatique et de ses répercussions politiques ? Les injustices sociales et économiques s’inscrivent-elles d’ailleurs de la même manière que d’autres types d’injustices dans la mémoire traumatique ?