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Article Dans Une Revue COnTEXTES. Revue de sociologie de la littérature Année : 2014

« Portraits de masques et de fantômes : le portrait photographique dans le livre (1860-1930) »

Hélène Védrine

Résumé

L’illustration, galvaudée à la fin du XIXe par les techniques qui permettaient la diffusion massive d’images industrielles au détriment de la gravure originale, connaîtra une nouvelle déchéance avec l’importance prise par la photographie, non seulement en tant que technique mais aussi en tant que nouvelle culture visuelle. En étudiant la place et la fonction du portrait photographique de l’écrivain dans le livre, cet article parcourt un large corpus d’ouvrages, depuis les vastes entreprises éditoriales des Panthéon et autres Galeries des hommes du jour de la Troisième République jusqu’aux recueils photographiques parodiques – médaille, médaillon, médaillonnet ou masque – de la fin-de-siècle, examinant l’usage spécifique du portrait photographique par Victor Hugo, Péladan, Lorrain, Bloy, Rodenbach, Cladel, Tailhade, Colette et Willy, etc. jusqu’aux surréalistes (Breton, Fondane), associés aux photographes de leur temps (Nadar, Petit, Dornac, etc.) Placé en ouverture du volume, le portrait gravé de l’écrivain a toujours été présent dans le livre et en constitue souvent l’illustration minimale. Sa valeur documentaire permet l’identification et la légitimation du texte qu’il introduit, et fonde à lui seul l’auctorialité de l’écrivain. Le lien organique et transubstantiel entre la personne de l’auteur et son texte est renforcé par l’effet de réel propre à la photographie. Or le portrait photographique devient moins art du réel qu’art de l’illusion : la photographie n’a pas de meilleur usage que de garantir les travestissements du corps et du visage. Cette mystification ne ruine pas la consubstantialité de l’auteur et du texte, du corps et de l’écriture, elle la rebâtit sur les ruines d’une conception indicielle de la ressemblance. La véritable ressemblance ne se fait que par une élaboration symbolique et fictionnelle. Ce glissement trouve son apogée dans le livre surréaliste où l’illustration photographique, qui entre dans une relation faussement littérale avec le texte et faussement documentaire avec le réel, est l’outil même de l’accès au sur-réel. Le portrait photographique dans le livre fait en sorte que le visage de l’auteur, masque ou fantôme, se décolle de sa propre face, fine pellicule qui a moins pour objet d’authentifier l’auteur que d’en désigner le caractère fictionnel.

Domaines

Littératures

Dates et versions

hal-03845938 , version 1 (09-11-2022)

Identifiants

Citer

Hélène Védrine. « Portraits de masques et de fantômes : le portrait photographique dans le livre (1860-1930) ». COnTEXTES. Revue de sociologie de la littérature , 2014, Le portrait photographique d'écrivains, n° 14, dir. Jean-Pierre Bertrand, Pascal Durand, Martine Lavaud, ⟨10.4000/contextes.5916⟩. ⟨hal-03845938⟩
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