Cette communication propose une réflexion sur l'existence ou non d'une Alsace protestante au singulier dès l'époque moderne. L'historiographie religieuse régionale a, en effet, consacré depuis le XIXe siècle une lecture binaire du confessionnel en Alsace, délaissant le pluralisme interne aux protestantismes. L'étude comparative des paroisses de Sainte-Marie-aux-Mines, de la seigneurie de Bischwiller et du bailliage de Cleebourg permet d'observer la complexité et la multiplicité de ces réalités protestantes alsaciennes, très éloignées d'une forme d'unité aux XVIIe et XVIIIe siècles. En s'intéressant aux interactions tissées par ces communautés protestantes, force est de constater que des frontières confessionnelles intraprotestantes se dessinent bien. Malgré des actions communes ou des ententes de plus en plus nombreuses à partir du XVIIIe siècle, une conscience commune et unitaire revendiquée par les protestants d'Alsace eux-mêmes semble difficilement perceptible. Cette vision unitaire ou ce front protestant uni apparait davantage comme le fruit de la confrontation avec l'altérité religieuse, notamment dans un souci commun des luthériens et des calvinistes de garantir leurs droits face aux catholiques. Les interactions entre les communautés protestantes et les autorités territoriales ou royales semblent également développer cette vision unitaire à travers une désignation générique et commune pour parler des Eglises protestantes au XVIIIe siècle. Toutefois, si ces éléments vont dans le sens d'une appréhension plus générale et unitaire des protestants d'Alsace, ils ne gomment pas des frontières internes toujours vivaces pour chaque camp.