L’abbaye de Saint-Antoine, chef de l’ordre de Saint-Antoine-de-Viennois, dans le nord du département de l’Isère, trouve ses origines à la fin du XIe siècle dans un petit prieuré bénédictin fondé autour d’un oratoire conservant les reliques de saint Antoine l’Égyptien. Une communauté caritative, les Frères de l’Aumône, s’installe à proximité et fonde vers 1130 un premier hôpital à destination des pèlerins. La présence des reliques et la spécialisation de la communauté religieuse dans le soin des malades et notamment du Mal des Ardents, la dégénérescence causée par l’ergot de seigle, provoque un afflux de pèlerins et de malades. La fondation de l’ordre de Saint-Antoine s’accompagne de la construction de nombreux bâtiments et de plusieurs hospices et hôpitaux autour de l’abbaye, qui s’appuie sur un réseau de « commanderies », à l’instar des hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, pour financer son activité. À l’automne 2018, dans le cadre de travaux de réhabilitation des bâtiments de la Porterie, une étude archéologique préventive de bâti a été menée sur un ancien dépôt de subsistance appartenant à l’abbaye, converti en bureau de Poste au XXe siècle. Cette opération a permis la caractérisation d’une grande salle d’origine médiévale, large de 10 m et dont la longueur n’est pas connue mais estimée à au moins 25 m. Dans cette salle ont été observés les vestiges de deux baies et d’une vaste cheminée datables du XIIIe ou du début du XIVe siècle au plus tard. Cet emplacement, à proximité de l’entrée de l’abbaye, est connu par les archives pour être celui du Grand Hôpital de l’abbaye et les dimensions de l’édifice mis au jour évoquent des modèles de nombreuses salles des malades connues au Moyen Âge. Aucun aménagement spécifiquement voué au soin ne permet malheureusement de caractériser avec certitude cette fonction, qui était surtout représentée par le mobilier, la grande salle étant avant tout un vaste bâtiment utilitaire accueillant des lits et le plus souvent doté d’une chapelle. L’édifice a été démoli au milieu du XVIIe siècle dans le cadre de la transformation de l’entrée de l’abbaye : une grande porterie, un bâtiment d’accueil des Étrangers et un entrepôt sont édifiés à son emplacement. Le bâtiment actuel conserve encore une partie du dispositif architectural de cet entrepôt, que nous avons pu restituer. L’entrepôt, d’environ trente mètres de longueur, était doté d’un niveau de caves voûtées (cellier ?) qui a fait disparaître toute stratigraphie médiévale, et de trois niveaux charpentés datés par dendrochronologie de 1656 et destinés aux denrées alimentaires et aux grains. L’édifice est aujourd’hui amputé des deux-tiers de sa longueur initiale, mais les traces conservées dans le bâti environnant et l’étude de la charpente ont permis de restituer en grande partie sa morphologie.