Après avoir situé notre approche des phénomènes de récurrence discursive, nous présentons les routines épistolaires attestées par un corpus de correspondances peu lettrées de la Première Guerre mondiale et proposons d’appréhender les variations qu’introduisent certains épistoliers comme des modulations stylistiques. Si l’analyse outillée permet de démontrer l’existence de préconstruits discursifs, caractéristiques du genre épistolaire, elle met en effet aussi en évidence la capacité des scripteurs à sortir de la routine, à personnaliser l’expression de leurs sentiments à l’égard de leur famille et de leurs amis et à tracer leur cheminement singulier dans l’écriture. Par une exploration minutieuse de chaque sous-corpus, il semblerait possible d’observer, non seulement dans les ouvertures et les clôtures, mais aussi dans l’ensemble de la lettre, une co-construction discursive, portée par le double ressort de l’imitation de l’autre et de l’invention personnelle, dans une dialectique de la routine et du style.