1.- Les agdals pastoraux des montagnes méditerranéennes sont à la fois un sujet naturel et culturel. Ce sont des pâturages en constante évolution, conservés par des populations locales grâce à des systèmes de gouvernance communautaire adaptatifs et dynamiques impliquant que l'accès à ces écosystèmes et leur utilisation doivent suivre une série de règles établies par les communautés locales elles-mêmes dans le but d’assure leur propre durabilité.2.- Les populations des hautes terres gouvernant ces agdals ont généralement un lien fort avec leurs traditions, qui sont le plus souvent assez liées à la conservation des écosystèmes et des ressources naturelles car leur survie en dépend le plus souvent directement et à laquelle elles sont profondément liées culturellement et identitairement. Cet intérêt mutuel qu'ils partagent, garantit généralement de meilleurs rendements de conservation et diminue les conflits socio-agro-territoriaux.3.- En termes strictement agronomiques, les agdals pastoraux des montagnes atlasiques impliquent généralement des assemblées de pasteurs qui imposent une interdiction totale ou partielle d'accès à un espace ou une ressource pastorale pendant une période de printemps déterminée, ce qui permet à la végétation de se reposer à une période particulièrement sensible, lors de la croissance exponentielle des plantes, de la floraison, de la production des grains, etc., maximisant ainsi la production de fourrage tout en assurant son utilisation durable année après année, et en minimisant les conflits sociaux entre les utilisateurs en raison de la forte participation des titulaires de droits dans la gestion de ces écosystèmes.Cette pratique pastorale des communs se répand pratiquement dans toutes les montagnes de la Méditerranée, et on peut supposer qu'il y a des dizaines de milliers des agdals ou communs dans le Maroc, voire peut-être plus, et que dans toute la Méditerranée, ils pourraient couvrir plus d'un demi-million de km2 leur donnant donc un poids spatial énorme concernant la gestion de paysages de montagne clés et très sensibles qui sont pour la plupart ignorés par les décideurs.4.- Sur le plan écologique, ce type de gestion permet de maintenir un couvert végétal plus dense et mieux conservé que dans les zones en libre accès non gérées en commun. La biodiversité est souvent aussi plus importante dans ces communs que dans les zones homologues sans gouvernance communautaire. En conséquence, même s'ils sont encore mal intégrés dans les politiques nationales et les systèmes juridiques du Maroc, le concept des biens communs est désormais inclus dans les décisions et initiatives politiques de certaines des organisations non gouvernementales et des institutions internationales les plus importantes à l'échelle mondiale, comme la CDB, l'UICN, le PNUD et le PNUE, et l’État marocain devrait essayer de prendre bonne note de ça et commencer à les intégrer dans son planification territorial.5.- Mais il est impossible de connaître leur étendue spatiale exacte, autant que leur impact environnemental, socioculturel et économique précis, à moins qu'une recherche comparative d'envergure sur ces systèmes ne soit lancée, au moins sur l’ensemble du territoire national au Maroc.Ce serait également la première étape vers l'élaboration d'un plan de protection et de promotion efficace qui ne peut plus être reporté, car nombre de ces systèmes sont menacés ou en profonde dégradation. En fait, une fois perdus, il est très difficile (pour ne pas dire impossible) de les restaurer, car ils sont en effet beaucoup plus faciles à détruire qu'à reconstituer. Et cela parce qu'ils nous sont parvenus après plusieurs millénaires de processus co-adaptatifs constants d'essai et erreur entre la nature et les éleveurs, génération après génération.6.- Donc, un financement conséquent est nécessaire pour une étude à l’échelle Marocain, voire Maghrebine, afin de déterminer exactement leur valeur en termes de conservation de la biodiversité, de services écosystémiques, de lutte contre le réchauffement climatique, en termes économiques, culturelles et des potentialités de développement durable, dans le but d'établir un plan ordonné pour leur soutien, renforcement et protection.En même temps, quand qu’ils existent déjà des données sur l'intérêt socio-écologique des communs ruraux en Méditerranée, des actions doivent être lancées d'urgence en leur faveur car ces systèmes s'érodent très rapidement, alors qu'ils seront pratiquement irrécupérables si nous n’y arrivons pas en temps, perdant ainsi à jamais un patrimoine vivant plusieurs fois millénaire qui touchait autrefois pratiquement tous les paysages méditerranéens. Ils font partie de notre histoire, de notre identité, de notre biodiversité et de nos écosystèmes passés et actuels que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre.7.- Dans un contexte généralisé de manque de reconnaissance de ces systèmes par les états, où le plus souvent ces terres et ressources au sein de ces agdals sont considérées comme propriété publique (de l’État) et pas des communautés locales qui sont et en jouissent depuis des siècles le plus souvent, et que leurs systèmes de droit positif ne reconnaissent pas le droit coutumier, nous ne nous en sortirons pas trop bien.