À la lecture de la presse périodique rennaise1, on constate aisément que les danses au sein des bals mondains de carnaval à la fin du XIXe siècle, et avant les années 1920, sont essentiellement le menuet, le quadrille, le cotillon, la farandole, la valse, la mazurka, la polka ainsi que ponctuellement la krakette. La particularité de ces danses, principalement pour les quadrilles et les cotillons, fort prisés dans les bals de carnaval, est d’être relativement mesurées et codifiées. Toutes confèrent une certaine retenue des corps. Or, le carnaval de Rennes voit apparaître le jazz et ses danses dans les années 1920. Sans doute est-ce là un paradigme majeur dans l’histoire des bals de carnaval rennais. Dans une dynamique de rejet et d’attirance, le jazz à la fois agit comme un démon dionysiaque qui enivre les corps dansants et reste ancré, malgré cette fascination, dans une perception raciste et stéréotypée. Mais cette ambiguïté apparente ne participe-t-elle pas au processus d’émancipation de la société bourgeoise rennaise ? En effet, n’est-ce pas cette vision raciste d’un jazz exotique, sauvage et tribal qui permet aussi au jazz d’agir et d’émanciper la « bonne société » rennaise jusque là sclérosée dans les carcans de l’idéologie bourgeoise du XIXe siècle ?