Au cours des deux dernières décennies la pratique du ski et du snowboard hors piste ou en randonnée s’est fortement développée. Se déroulant en majorité en dehors des domaines skiables aménagés, le risque d’avalanche y constitue un enjeu central (en moyenne, on dénombre en France une trentaine de décès par an) autant qu’un élément irréductible, amenant les acteurs (sportifs, encadrants, secouristes) à développer et acquérir une culture technique originale pour éviter l’accident ou en atténuer les conséquences. Le sac airbag (sac-à-dos doté de « ballons » gonflables déployé par le skieur) constitue une innovation relativement récente qui promet une protection inédite : se maintenir en surface d’une coulée et réduire le risque d’enfouissement (et étouffement). Inventé dans les années 1970, cet objet coûteux (500 à 700€) devient une réussite commerciale à partir des années 2000. Commercialisé par plusieurs fabricants, il constitue aujourd’hui un dispositif sociotechnique relativement commun, même s’il fait l’objet de discussions voire de controverses quant à son efficacité. Cette communication, qui s’appuie sur une enquête par entretiens approfondis réalisée auprès de 30 professionnels de la montagne (guides de haute-montagne, moniteurs de ski, pisteurs-secouristes, secouristes publics, athlètes), vise à questionner les promesses de cette innovation sécuritaire et décrire son impact sur la culture du risque (avalancheux) de ces experts. D’un point de vue théorique, ce travail croise la sociologie du risque, la sociologie des cultures sportives et professionnelles et l’anthropologie des techniques et des usages. Après avoir contextualisé le système technique (savoirs, savoir-faire, objets, matières, représentations) de gestion du risque d’avalanche, le travail décrira finement les usages du sac airbag par les professionnels (dans leur métier et dans leur pratique personnelle) : acquisition, apprentissage, emport (ou non), entraînement et incorporation, entretien… L’airbag a été pleinement intégré et banalisé dans le système technique du risque en exercice professionnel, avec des rapports et des usages nuancés selon les métiers et les conditions. Pour autant, il n’est pas perçu comme une panacée, mais intégré comme un « plus sécuritaire » sous conditions. Si on trouve parfois trace de certains effets de compensation du risque, avec une augmentation circonstanciée (et mesurée) de l’engagement corporel (principe d’homéostasie), l’effet « airbag » apparaît finalement surtout ambivalent. En effet, en progressant dans son couplage avec le dispositif, le montagnard peut développer un sentiment de vulnérabilité en l’absence d’airbag ou au contraire apprendre à s’en passer.