Des frontières des organisations à l’organisation des frontières
Résumé
"Les conceptions sociologiques de la notion de frontière ont évolué en même temps que des enjeux politiques et internationaux plus généraux, dont ils sont à leur échelle une expression. En s’intéressant aux frontières des organisations, les premiers sociologues des organisations ont montré qu’elles reliaient aussi les espaces sociaux et les organisations qu’elles délimitaient. Ces travaux ont documenté combien les échanges frontaliers étaient essentiels à la compréhension de la vie des organisations, à l’analyse de leur légitimité et à celle du changement social. Dans un monde dominé par deux blocs aux frontières bien définies, ces premiers travaux, et ceux qui les suivent, insistent, dans une perspective réflexive ou critique, sur la déconstruction des frontières formelles des organisations se présentant alors sur le registre de l’évidence. Ils sont en revanche moins enclins à souligner les processus d’organisation des frontières. Cette dynamique est aujourd’hui plus saillante, ce qui rend ces processus d’organisation plus visibles : paradoxalement, dans un monde où la disparition des frontières étatiques et organisationnelles est souvent annoncée ou programmée, les interactions aux frontières des mondes sociaux paraissent équipées d’organisations, de procédures, d’instruments qui régulent ces échanges frontaliers. Ces appuis organisationnels ordonnent des frontières entre mondes sociaux, tout en les différenciant les uns des autres. Les frontières rapprochent autant qu’elles séparent, et séparent peut-être d’autant plus qu’elles rapprochent. Lignes qui séparent et traits d’union entre des ensembles, les frontières font l’objet de multiples investissements qui participent de la complexité de la société des organisations." [extrait de l'introduction du chapitre]