Nous parlons beaucoup du paysage, nous l’observons, nous l’instagrammons, le légendons. Nous participons à des concours (2014, Bertho et al. ), prenons position sur la présence de la nature en ville avec des associations, dans des jeux vidéo (Bailleul, Gagnebien, 2021) ou des applications (Heaton et al. 2011). Nous le voyons comme un décor, notre jardin ou bien comme le réceptacle de nos déchets surtout dans le périurbain ou bien dans nos parcs nationaux durant les deux derniers confinements. Le paysage est un milieu qui nous affecte et dans lequel comme l’écrit Jean-Marc Besse (2018) « nous agissons, pensons, décidons, rêvons. Il est une des conditions sensibles et émotionnelles de notre existence » (2018, p.5). Avec les derniers ouvrages de Latour parus entre 2015 et 2018, pour ne citer que lui, il est relevé une réduction effrayante de la biodiversité animale mais aussi végétale. Les friches urbaines, ou tiers paysage (Clément, 2020) vont désormais devenir le théâtre de véritables enjeux de réserves de cette biodiversité végétale oubliée, mise de côté mais de fait préservée. Actuellement sur l’étude de deux projets de « jardins » sur deux friches urbaines à Marseille aux enjeux sociaux et de conservation très divers, j’observe que faire entrer le végétal dans ces « jardins » est lié à des systèmes intentionnalités très hétérogènes mais aussi à des temporalités, des échelles, des durées qui s’imposent aux humains. Ma méthodologie de recherche action avec entretiens, observations, participations aux réunions et animations mais aussi en tant que membre d’une des deux associations me permet de comprendre le cadre des opérations à l’œuvre que je décrirai en 3 points : -1/ les deux associations doivent élaborer un cadre fictionnel de la recherche et du projet, qu’elle soit missionnée par la ville (Cultures permanentes pour le projet En Lisières) ou bien du directement issue de la motivation de citoyens d’un quartier (VVOUM : (Vers des Vergers Ouverts, Urbains, Méditerranéens ) -2/Elles doivent développer des approches constructives de la connaissance du paysage et de l’héritage végétal des friches tant pour la pédagogie que pour la mise en œuvre de la modélisation de leur projet et de compétences à développer -3/Elles doivent mettre en place des stratégies communicationnelles afin de développer des activités collectives reposant sur le dialogue, l’échange et la construction d’un « bien commun » à protéger et à respecter. Pour chacune des deux parcelles étudiées, l’une à la Valbarelle dans le 11éme arrondissement, l’autre à Saint Barnabé dans le 12eme, les instances des parcs et jardins de la ville mais aussi les étudiants et enseignants du Laboratoire Population Environnement Développement (LPED) de l’Université d’Aix-Marseille sont venus dresser un inventaire d’abord partiel des végétaux ces deux dernières années. Ces inventaires permettent de donner des directions à suivre fin d’être attentif dans les actions paysagères, et permettent de mettre en évidence la complexité des enjeux ( écologiques, sociaux, économiques etc.). Ainsi, l’association Culture permanentes dans le cadre du projet En Lisières propose des promenades avec les enfants des écoles voisines pour leur faire découvrir les plantes et arbres remarquables à protéger. Elle invite des ornithologues qui se promènent avec les habitants qui détaillent faune et flore adaptés aux espèces locales. Une compagnie de théâtre et d’artistes Ici-même missionnée par Culture permanentes vient également « habiter » Valbarelle ( la Cité Michelis) et organise des performances dans la friche car il ne suffit pas de construire et de faire, mais il faut comprendre la situation précise de la parcelle, des espèces à protéger, des parties à ne pas du tout invertir de peur de détruire le biotope. Pour l’association VVOUM qui veut ouvrir un verger partagé, des protocoles de suivi qualitatif et quantitatif de la biodiversité seront mis en place en impliquant les citoyens, qui seront formés aux techniques utilisées. Deux approches complémentaires seront poursuivies, en concertation avec les services de la Ville : d’une part la participation à des programmes de sciences participatives existants (de type Vigie Nature ), et d’autre part la collaboration avec des laboratoires de recherche comme le GRAB (Groupement de Recherche en Agriculture Biologique) , et le LPED, pour qui l’étude de de la biodiversité fonctionnelle dans l’écosystème verger est centrale. Cette proposition s’inscrit dans l’axe du colloque intitulé : La question des territoires et leurs stratégies de valorisation et de promotion des pratiques dites vertes. En effet, il s’agit ici de comprendre la prise de conscience de ces enjeux d’une part pour les paysagistes acteurs de la ville et collectifs qui souhaitent créer un jardin associatif spécifique, mais d’autre part par les associations qui organisent des actions de médiations auprès des habitants tant pour valoriser leur projet que pour les sensibiliser et leur faire acquérir divers savoirs et savoir-faire et leur capacité ensuite de pouvoir les mettre en œuvre. Autrement dit, la question de la formation est tout à la fois adressée aux futurs professionnels du végétal comme les jardiniers de la ville mais c’est également la nécessité aujourd’hui d’une éducation plus générale du végétal et de la nature et de son paysage qui fait défaut aux populations. Mots clefs : paysage; végétal, tiers paysages, friches, usages Bibliographie Hélène Bailleul, Anne Gagnebien. Le recours aux jeux vidéo dans la sensibilisation à la ville durable. Analyse comparative pour une évaluation en termes d’éthique et d’engagement du citoyen-joueur. NETCOM : Réseaux, communication et territoires / Networks and Communications Studies, Netcom Association, 2021, Dispositifs numériques et villes durables. De l’interaction à l’engagement, 1-2 (35), ⟨10.4000/netcom.5665⟩. ⟨hal-02528442⟩ Raphaële Bertho, Hélène Bailleul, Nicolas d'Andrea, Caroline Guittet, Hélène Bectarte, et al. Mon paysage au quotidien : une pratique ordinaire ? [Rapport de recherche] MEDDE; Université Rennes 2 Laboratoire ESO; Université Bordeaux 3 - Michel de Montaigne. 2014. ⟨hal-02953288⟩ Jean-Marc Besse, 2018, La nécessité du paysage, Editions Parenthèses Gilles Clément, 2020, Manifeste du Tiers Paysages, Editions du commun. Lorna Heaton , Florence Millerand , Élodie Crespel et al., « La réactualisation de la contribution des amateurs à la botanique. Le collectif en ligne Tela Botanica », Terrains & travaux, 2011/1 (n° 18), p. 155-173. DOI : 10.3917/tt.018.0155. URL : https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2011-1-page-155.htm Bruno Latour,2018, Où atterrir ? Paris, la Découverte Bruno Latour, 2015, Face à Gaia, huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte