Des ingénieurs-bricoleurs pour dépasser les tensions et appréhender les crises sanitaires au sein des établissements de santé ?
Résumé
Le 31 décembre 2019, les autorités chinoises informent le bureau de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de la survenue de plusieurs cas d’un type inconnu de pneumonie dans la ville de Wuhan. En mai 2020, cinq mois après l’annonce officielle des premiers cas du nouveau coronavirus, près de cinq milliards de personnes sont invités à respecter des mesures de confinement ou des restrictions de déplacement afin d’éviter toute contamination. Nous sommes alors confrontés à une crise majeure et brutale, majeure en raison de son ampleur, et brutale compte tenu de la vitesse à laquelle elle s’est imposée à tous. Dans ce contexte inédit, comment la gestion des hôpitaux placés en première ligne s’est-elle organisée pour faire face à l’inconnu en si peu de temps ? Comment les hôpitaux ont-ils pu intégrer cette nouvelle appréhension de l’incertitude dans leurs routines pour faire face aux multiples vagues de Covid-19 ? En résumé, que pouvons-nous apprendre de cette crise sans précédent pour la gestion et pour la transformation des hôpitaux français ?
Pour répondre à ces différentes questions, ce chapitre mobilise les archétypes du bricoleur et de l’ingénieur développés par l’anthropologue et ethnologue français Claude Lévi-Strauss, dans son ouvrage « La pensée sauvage », publié en 1962 chez Plon. Les lignes qui suivent montrent en effet comment, au sein des hôpitaux, les professionnels sont devenus de véritables bricoleurs dès mars 2020 (point 1), avant de redevenir trois mois plus tard les ingénieurs qu’ils étaient avant la crise (point 2). La pandémie offre aux professionnels l’occasion d’expérimenter un troisième archétype, celui du praticien réflexif (Shön, 983), capable d’articuler ingénierie et bricolage à la fois en situation de routine et d’incertitude (point 3). Cette voie est aussi un postulat majeur pour la transformation des organisations de santé, dans le sillage du Ségur de la Santé et d’années de tensions aujourd’hui exacerbées par la crise que nous connaissons.