L’image du bâtiment industrialisé est généralement associée à la répétitivité, à des édifices constitués d’éléments identiques produits en grande série. La logique industrielle semble écraser toute singularité ou déviation par rapport à la norme ou au standard. En outre, l’idée qu’industrialisation et fabrication à la demande sont incompatibles semble largement répandue. Ainsi, au tournant du XXIe s. on oppose facilement la production industrialisée de l’après-guerre – monotone, invariable – à une production dite « non standard », basée sur la FAO. Nous essaierons de montrer que l’extrême schématisme de ces appréciations, qui opposent machine industrielle et machine à commande numérique – opératoire, cela dit, en industrie dès les années 1960 –, occulte une réalité de la production de l’espace bâti bien plus complexe et nuancée. Nous essayons de montrer non seulement que la répétitivité ne découle pas exclusivement du type de machine utilisée, mais aussi que la souplesse mécanique comme la recherche de la diversité à l’intérieur de la production en série sont présentes assez tôt. Machines réglables, moules ajustables, demi-produits découpés à la demande, tentent, malgré des problèmes techniques et des contraintes plus ou moins importantes, de se mettre au service de l’ouverture de la production industrialisée pour un espace bâti plus varié. L’industrie du bâtiment s’adapte en fonction des diagnostiques sur les échecs précédents ; la technologie évolue au cours d’un processus industriel en rupture partielle avec les modèles du passé – grandes séries, normalisation dimensionnelle – amorcé. La standardisation opère à différents niveaux, mais pas forcément à celui de la forme des objets finis. Appuyée sur des publications et des documents d’archives, notre étude interroge les processus, techniques et machines industriels réfléchis en adéquation avec les matériaux pour ouvrir la voie à la diversité architecturale entre 1960 et les années 1980.