Communautés monastiques et imaginaire maritime dans l'Angleterre anglo-saxonne Comme [ Jésus] marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et André, son frère, en train de jeter le filet dans la mer : c'étaient des pêcheurs. Il leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. » Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent 1. Dès la fondation du premier groupe de disciples, la mer et les pêcheurs sont attachés au message christique, que ce soit factuellement puisqu'il s'agit du métier de Pierre et André, ou symboliquement puisque le bon pasteur est aussi pêcheur d'âmes, voué, dans une inversion spectaculaire de la métaphore halieutique, à faire renaître les hommes capturés pour les libérer de leurs entraves. Le lien créé ab initio entre les milieux littoraux et le christianisme est donc assez fort, en particulier pour les communautés monastiques. Quatre cents ans plus tard, au début du v e siècle, Honorat d'Arles fonde une abbaye sur un groupe d'îles situées au large de la côte méditerranéenne en Gaule. Selon Hilaire, son hagiographe, il doit, pour y parvenir, en chasser des serpents 2. Si la présence de serpents dans les forêts ou de murénidés dans les bas-fonds méditerranéens est tout à fait envisageable, cet animal, presque surnaturel, a une forte valeur symbolique dans l'imagerie chrétienne. L'association à la symbolique littorale et maritime de ces diverses images, tantôt positives, tantôt négatives, permet de construire l'opposition entre littoraux naturels, dangereux par essence, et littoraux anthropisés, où les activités assurent la survie des hommes. Cette ambivalence est aussi symbolique. Mircea Eliade voit dans l'eau un symbole ambigu de vie et de mort 3. Ainsi, le littoral apparaît comme un lieu