De nouvelles données sur les matrices (microlites, verres résiduels et bulles) de ponces, scories et lithiques émis au cours de l’éruption andésitique de 1530 AD de la Soufrière de Guadeloupe ont permis de proposer un modèle de dynamique éruptive pour ce dernier évènement magmatique du volcan. Les données concernent les assemblages de phases, compositions chimiques, proportions et densités numériques des microlites, les compositions et teneurs en H2O des verres résiduels, ainsi que les vésicularités des matrices. Ces données analytiques et texturales ont été combinées à des données expérimentales publiées d’équilibres de phases et de décompression afin d’estimer les profondeurs de cristallisation et les vitesses d’ascension des magmas. Les résultats montrent que les produits émis contiennent entre 5 et 40 vol% de microlites qui ont majoritairement nucléé dans le réservoir magmatique en réponse à l’intrusion d’un magma plus mafique. Deux échantillons seulement ont nucléé des microlites par décompression lors de l’ascension du magma dans le conduit volcanique. La séquence éruptive de 1530 AD a débuté par des explosions phréatomagmatiques impliquant des magmas qui ont transité en un mois environ (vitesse de décompression de ~0.2 MPa/h) des parties les plus froides du réservoir (~825 °C et un liquide silicaté en équilibre avec les phénocristaux du réservoir contenant 74 pds% SiO2) jusqu’à la surface. Ces magmas ont eu le temps de cristalliser en continu des microlites (~25 vol% de plagioclase, orthopyroxene, clinopyroxene, magnétite, quartz et apatite), mais ils n’ont pas perdu leurs gaz, probablement en raison d’un conduit aux parois encore hermétiques. La déstabilisation de flanc qui a suivi cette phase phréatomagmatique a probablement déclenché l’éruption sub-Plinienne qui a progressivement échantillonné les parties plus chaudes du réservoir principal (~875 °C et un liquide silicaté interstitiel contenant 71 wt% SiO2), émettant des ponces rubanées et homogènes. Les ponces rubanées n’ont pas significativement perdu leur gaz et manquent de microlites générés par la décompression, ce qui suggère des temps d’ascension assez courts, de l’ordre de 0.5-1 jour (vitesse de décompression de 5-15 MPa/h). La phase strombolienne qui a suivi a produit des scories noires qui ont peu perdu de gaz et ont peu cristallisé de microlites syn-éruptifs, suggérant des vitesses d’ascension de l’ordre de 2 jours (vitesse de décompression de ~2 MPa/h). Le dome terminal est totalement dégazé, suggérant des magmas montés en plus d’un mois, permettant une cristallization à l’équilibre des microlites (~40 vol% de plagioclase, orthopyroxene, clinopyroxene, magnétite et cristobalite). En ce qui concerne les futures éruptions de la Soufrière, la détection de toute intrusion magmatique à faible profondeur est susceptible d’activer un processus favorable à la déstabilisation de flanc, avec des possibilités de dépressurisation du magma sous-jacent, suivant un scénario similaire à celui de 1530 AD.