Journées d’étude « L’arbre qui cache la forêt », 19-20 novembre 2021 Mary Picone, S'immerger dans les forêts du Tôhoku (nord-est du Japon). Réflexions sur le passé et pratiques artistiques contemporaines Cette communication présente le travail de quatre artistes contemporains qui pratiquent « l'immersion » dans des forêts dans la région du Tôhoku : Honda Takashi vit et dessine dans les bois autour de Tôno (préfecture d'Iwate), région célèbre en tant que sujet d'un recueil de contes (re)écrits par le fondateur de l'ethnographie japonaise, Yanagita Kunio, où la forêt apparait le plus souvent comme un lieu dangereux habité par des « monstres surnaturels ». Dans des séries telles que Marcher dans les montagnes (2009) l’artiste photographie puis retravaille les images avec un crayon au charbon. Nagasaka Yuki a une pratique hybride fondée en partie sur ses résidences d'artiste où elle reprend des oeuvres locales antérieures. En 2019, elle photographie, commente et remet dans leur contexte des peintures du voyageur proto-ethnographe Sugae Masumi à la fin du 18e siècle, se focalisant sur des dessins d'arbres sacrés dans les forêts environnantes. Hatakeyama Naoya, le plus célèbre, a photographié la destruction de sa petite ville natale (Rikuzentakata, Iwate) notamment entre 2011 et 2013, montrant des arbres et des forêts détruites ou peut-être en train de repousser. Enfin Okabe Masao s'est specialisé dans des techniques d'empreinte tels que le frottage, restituant les surfaces matérielles de lieux dévastés. Après un long travail sur des fragments de sites de Hiroshima il lie des frottages d'écorce d'arbres qui ont survécu au bombardement atomique avec ceux des forêts irradiées de Fukushima (Hibakujû-e). La description des pratiques des artistes peut être contrastée avec des théories identitaires essentialistes : le Japon comme « civilisation des forêts » ou l'importance de façade attribuée aux « forêts sacrées ».