Notre proposition prend appui sur des observations ethnographiques en lycée relatives à la mise en œuvre d'un débat pour la web radio (observation in situ, enregistrements sonores, photographies, recueil de documents) portant sur « le mouvement des gilets jaunes vu à travers le prisme de la révolution française ». Initiée dans le cadre de l'Enseignement Moral et Civique (EMC) en classe de Première Générale, l'activité vise, comme y invitent les programmes, à engager un questionnement autour de l'appartenance à une société démocratique, avec l'objectif de « construire la culture civique des élèves en considérant des savoirs, des notions et pratiques ». Il s'agit notamment d'étudier les fondements et fragilités du lien social (axe 1), dans un va-et-vient singulier/pluriels de la société, et d'en considérer les tensions dans un contexte de transformations sociales et économiques. L'idée étant que toute société est travaillée par des divisions, des conflits, donnant lieu à des renouvellements avec des aspects positifs, mais aussi à l'expression de défiances : à l'égard de la représentation politique et sociale et des institutions, ou vis-à-vis de l'information et de la science. Des textes de référence à la pratique de terrain, alors que l'institution incite à la création d'un média dans chaque établissement, que donnent à voir cette étude comparative de deux mouvements et le débat qui a suivi des domaines mobilisés et des savoirs construits ? Quelle place pour une éducation critique dans ce contexte ? Quelle approche et quelle réflexion sur l'information et les médias ? Notre approche est socio-anthropologique et culturelle, attentive à l'agir des acteurs et à la manière dont les savoirs se construisent, sur le mode de la relation. Par éducation critique nous entendons une éducation qui selon les mots de Paulo Freire, tout en enseignant la lecture des mots, rend possible la lecture du monde (Freire et Macedo, 1987) : une éducation qui, dans une visée démocratique et émancipatrice, invite à réfléchir sur l'être humain, sa culture, les contextes dans lesquels il évolue. Ce qui amène à étudier le lien social dans ses fondements, à prendre conscience des tensions existantes, à stimuler une culture du questionnement, du doute, avec la certitude de ne jamais être certain (op. cit., 57) ; et ce qui apprend à développer une pensée critique, moins dépendante des cadres et représentations médiatiques (Kellner et Share, 2007). Après avoir présenté le contexte de notre étude, précisé notre approche méthodologique et nos référents théoriques, nous questionnerons le potentiel démocratique et transformateur de ce type de pratique (capacité à problématiser et débattre, exercice du jugement critique, prise en compte des contextes, développement d'une vigilance épistémique...).