L’analyse des actes scellés du Laonnois et du Soissonnais fournit des informations sur les usages des sigillants mais aussi sur la carrière des scribes. Officialités de Laon et Soissons, bailliage de Vermandois et ville de Laon fournissent des séries de chartes assez étoffées. De ces archives administratives émergent des noms de scribes, personnages discrets mais dont la présence peut être régulièrement attestée. Le suivi de leurs carrières est difficile car celles-ci ne sont pas l’objet des actes de la pratique ; de même leurs formations restent ignorées des chartes. Toutefois, la dimension sérielle des archives mentionnées autorise les comptages de signatures ou de mentions de noms. Des recoupements d’affaires peuvent également apporter des indices sur ces scribes. Ainsi au XIIIe siècle les actes de l’officialité de Laon permettent de repérer que certaines carrières de clercs au service de l’évêque peuvent durer une dizaine d’années. Par ailleurs, les scribes de l’officialité de Laon semblent apporter un soin bien moindre aux simples quittances qu’aux autres actes qu’ils sont chargés de mettre par écrit : mise en page et calligraphie sont bâclés pour les quittances alors que les mêmes services d’écriture de l’officialité sont capables de produire des actes très soignés à la même époque. Cette différenciation en fonction de la nature des actes se retrouve dans la manière de signer de tel clerc du bailliage qui peut évoluer selon les circonstances, ou dans l’attention portée à la rédaction du protocole et de l’eschatocole des actes. La fonction de scribe est souvent accordée annuellement, voire plus ponctuellement encore, dans le cadre du service du bailliage de Vermandois. Pourtant la fréquence d’occurrence de certains noms révèle la stabilité de certaines carrières de scribes. Les changements d’employeur ou de fonction émergent parfois : un clerc de l’officialité de l’archidiacre de Soissons œuvre également au service des religieuses de Notre-Dame de Soissons tandis que les services du bailliage et de la ville de Laon se révèlent très poreux au niveau des scribes comme des autres agents de ces administrations. Certains clercs accèdent à d’autres fonctions mais les progressions de carrière semblent suivre des schémas (accès à la sergenterie) et laisser peu de place aux promotions spectaculaires. Toutefois Guillaume de Moustier, simple clerc de l’officialité de Laon, parvient à l’épiscopat. Enfin l’attrait d’une carrière à son compte existe également : un ancien tabellion de l’officialité de Laon devient notaire public. Ainsi les archives des principales chancelleries du Laonnois et du Soissonnais révèlent un monde de l’écriture où le scribe n’hésite pas à changer d’employeur, peut-être sous la contrainte de fonctions annuelles et par là même précaires. Toutefois les carrières longues existent également. Sans doute est-ce le signe d’une gestion différenciée du personnel d’écriture par les chancelleries : à des scribes compétents reconduits d’années en années afin de constituer le noyau dur des services d’écriture sont probablement associés des scribes recrutés au gré des besoins.