Nous nous proposons ici d’analyser les représentations des colonies africaines allemandes dans la revue familiale hebdomadaire Daheim, à tendance conservatrice et de confession protestante, les vignettes à collectionner et les albums pour enfants du début du XXe siècle à la fin de la Première Guerre mondiale dans le Reich allemand. Croiser leur analyse permet une mise en perspective de la pluralité des discours sur les colonies en prenant en compte plusieurs temporalités : celle des albums pour enfants, révélateurs du point de vue de leurs éditeurs au moment de leur production mais longtemps conservés dans les bibliothèques, celle des vignettes, collectionnées au fil du temps, et celle des revues, qui permettent de cerner les évolutions sur un temps continu. Ces sources dont l’essor a été favorisé au XIXe siècle grâce aux progrès techniques sont toutes trois vecteurs d’un « colonialisme populaire ». Une approche culturelle du discours colonial, compris comme « un système d’interprétations de soi et de l’autre », souligne le caractère performatif de celui-ci. Comme l’a théorisé E. Said à l’aune de l’orientalisme, il est source de démarcation et de construction des identités : en montrant la différence, on la crée. Par un jeu de miroirs, la « production de ce savoir culturel » permet de mesurer les imaginaires, les émotions et les réflexions d’une société sur elle-même. Autrement dit, le discours sur les colonies contribue à la définition de l’image d’un soi collectif ou identité nationale, entendue comme « une construction de sens collective influant sur les comportements »