De toute antiquité, les arts de la scène apportent aux sociétés humaines une expression en résonnance avec leur présent commun, mettant en scène corps et objets utiles aux représentations : instruments de musique, costumes, masques, pinceaux, espaces dédiés… Les communautés qui partageaient ces expériences souhaitaient prolonger de tels moments de partage, les rejouer, les mettre à profit, en en conservant des reliques et en les échangeant via des supports de textes et d'images. Dès lors, face à l'incertaine circulation des traces de ces poèmes, de ces airs, de ces mouvements, de ces jeux et même des lieux, résultent des logiques de collections, de mémoire, de connaissance, d'économie et de pouvoir. Les techniques d'imprimerie, de gravure, de photographie et de film ont ouvert à une large circulation et une industrialisation des copies d'oeuvres. Le développement de ces dispositifs sociotechniques se poursuit dans la seconde moitié du XX e siècle avec un accès étendu aux télécommunications et aux enregistrements, renforcé au début du XXI e siècle par les formes sans cesse renouvelées de partages numériques des expériences des arts. Ces mutations profondes ont modifié les pratiques culturelles et les formes artistiques. Pour les arts de la scène, la qualité de l'expérience vécue in situ semble encore échapper à celles télé-ou rediffusées, aussi immersives et participatives fussent-elles : « encore manque-t-il à la reproduction la plus parfaite une chose : le hic et nunc [l'ici et maintenant] de l'oeuvre d'art-l'unicité de son existence au lieu où elle se trouve (Benjamin : 18). » Cependant, la technique, « une active productrice d'art (Hennion et Latour : 240) », prolonge et participe tant à sa médiation qu'à sa patrimonialisation.