La tactique entriste est une tactique connue dans le champ politique, particulièrement chez les observateurs de la gauche, cependant aucun travail universitaire ne lui a entièrement été dédié et, si l’on sait identifier la pratique entriste, aucune définition universelle de celle-ci n’a encore été formulée. Cette communication se propose de réfléchir à une tentative de délimitation et par conséquence de définition du phénomène de l’entrisme. En effet, l’entrisme est une notion compliquée à délimiter et peut s’incarner sous différentes formes : il peut être clandestin ou à drapeau déployé. Le groupe infiltré peut être raccroché à une organisation extérieure, exister seul au sein du corps hôte ou ne posséder aucune réelle organisation. L’entrisme peut être envisagé à court terme comme à long terme. Ses objectifs peuvent varier ; il peut s’agir de la contagion idéologique du corps politique hôte, mais aussi simplement de se servir de celui-ci comme d’une chambre d’incubation pour gonfler le nombre de membres du groupe infiltrateurs, ou d’attendre un contexte socio-économique plus favorable avant de quitter l’entrisme pour mener une meilleure existence indépendante. A ce titre, la Grande-Bretagne peut fournir un terrain d’observation pertinent. L’hégémonie à gauche de l’échiquier politique du parti travailliste, depuis plus d’un siècle, notamment grâce à sa structure fédérative, à systématiquement empêché l’émergence de forces politiques plus radicales tant l’offre politique du parti était large, s’étendant du social-libéralisme au socialisme démocratique. Les formations marxistes ont alors été contraintes à pratiquer l’entrisme, de différentes manières au fil du siècle, en fonction du contexte. A titre d’exemple, dès sa fondation en 1920, le parti communiste britannique va se voir recommander par Lénine lui-même l’affiliation au parti travailliste, ce que ce dernier refusa. Le parti communiste invita alors ses membres, souvent déjà adhérents au parti travailliste à agir de manière ouverte au sein de celui-ci pour obtenir l’affiliation. Ce combat pour l’affiliation revêtit différentes formes de 1920 à 1944 au fur et à mesure que le parti travailliste modifiait ses règles pour contrer l’infiltration communiste qui se fit de plus en plus secrète au fil des années. D’une manière complètement opposée, à partir de 1947, une partie des trotskystes britanniques opéraient d’une manière si secrète au sein du parti travailliste que leur organisation ne possédait pas de nom et fut surnommée « The Club », les objectifs de cette organisation, comme sa forme (club puis ligue puis parti) évoluaient au fil des années. Les trotskystes britanniques offrent de nombreux exemples d’entrismes, en raison des nombreux désaccords tactiques et idéologiques qui animèrent cette tradition de 1932 à nos jours. Ainsi, l’étude de ces groupes, de leurs pratiques et de leurs objectifs, à travers leurs écrits mais également à partir de l’observation des mesures prises par le parti travailliste pour y répondre et des enquêtes journalistiques et policières à leur propos permet de dresser un typologie de « l’entrisme ». Cette étude et première typologie synthétique du cas britannique permettra des échanges avec les autres chercheurs présents à cette journée d’études et étudiant d’autres cadres nationaux. Ce qui permettra alors de compléter éventuellement cette définition par une approche comparative et contribuera alors à ouvrir le chemin vers un travail définitoire à visée exhaustive du phénomène entriste.