L’admiration des grands poètes pour Marceline Desbordes-Valmore a assuré une survie quelque peu paradoxale à son génie : admirée sur parole et lue avec une distraction souvent bienveillante, on a retenu son nom tout en oubliant son œuvre. La fortune de Desbordes-Valmore se présente d’emblée comme imprécise, parce que sa filiation est escamotée mais aussi en raison de sa réputation de poète autodidacte qui incite à lire son œuvre comme une comète apparue dans le ciel littéraire de son siècle, un génie de la trempe de ceux dont la nature se plaît à détruire les moules. Sans filiation identifiée ni héritage distinct, l’œuvre de Marceline Desbordes-Valmore semble flotter dans un entre-deux critique qui a pu expliquer sa relégation dans les marges de l’histoire littéraire. Pourtant, la lecture de son œuvre nous révèle que cette voix n’a rien de solitaire : elle est porteuse d’un héritage dont on peut identifier les contours, autour duquel s’élabore un ethos concerté et qui participe d’une ambition poétique originale. Cette approche permet d’évaluer la position qu’occupe, de façon peut-être plus délibérée qu’il n’y paraît, Desbordes-Valmore dans le champ poétique de son temps. Poète plus réceptive que l’on pense à des influences qui marquent son écriture poétique, elle serait aussi plus soucieuse de constituer une œuvre ayant une ambition propre, de proposer implicitement une poétique qui se présente comme une alternative moderne de cet héritage remodelé.