Migrants et sida : une perspective anthropologique sur la généalogie d’une politique publique de discrimination positive en France
Résumé
La lutte contre le sida met à l’épreuve, bien au-delà de la seule cible des migrants, la tension entre universalisme et gestion des minorités, comme les débats relatifs au Pacs ont pu l’illustrer. En cela, elle est profondément à la fois une « épidémie de disputes » (Fassin, 2007) et une « épidémie politique » (Pinnel et al., 2002). C’est pourquoi les enjeux et controverses entre acteurs institutionnels et associatifs visant à promouvoir l’émergence d’une cible, celle des « migrants/étrangers », dans les « politiques du sida » (Fassin, 1999) en France, constituent une scène particulièrement symptomatique de l’épreuve de fond traversée par l’ensemble des institutions françaises dans leur confrontation aux acteurs du « phénomène migratoire » (Sayad, 1983) et des modalités contemporaines de réponse à celle-ci.
La présente contribution propose donc d’exposer la manière dont le sida vient révéler les enjeux attachés à l’interaction entre la société française et ses immigrés. Qu’il s’agisse de la production sociale des dynamiques de l’épidémie, de polémiques relatives à l’invisibilité statistique, de l’adaptation socioculturelle des messages et politiques préventives, la lutte contre le sida constitue en effet un observatoire de tout premier choix. Partant, la description et l’analyse de l’élaboration d’une politique d’adaptation aux minorités « migrantes et étrangères », voire de « discrimination positive » dans le domaine singulier de la lutte contre le sida, peut nous éclairer sur les constructions contemporaines des catégories de l’altérité dans le contexte français.