Malgré la minceur de la documentation, on peut observer que Saint-Eusèbe, au long du XIe siècle, représente un enjeu important pour la famille des fondateurs. Bien que les Castellane aient développé des relations avec d’autres monastères importants, comme Saint-Victor de Marseille, et qu’ils soient à l’origine de la fondation ou de la restauration de plusieurs églises, dont certaines deviendront des prieurés importants, comme Saint-Symphorien de Buoux ou Sainte-Marie de Castellane, Saint-Eusèbe est la seule qui dès le départ a le rang d’abbaye. Le maintien de la famille dans la région d’Apt passe dans une certaine mesure par Saint-Eusèbe : le patronage sur une église monastique ancre l’implantation familiale sur des anciens biens de l’Église d’Apt. Ce n’est pas seulement leur présence à Apt qui est concernée, mais l’ensemble des seigneuries de la famille, dont les dépendances de Saint-Eusèbe soulignent les contours. Lieu de la mémoire patrimoniale des Castellane, Saint-Eusèbe polarise aussi les alliances qu’ils ont établies avec d’autres parentèles de l’aristocratie provençale. Faisant partie elle même de ce patrimoine, l’abbaye est transmise d’une génération à l’autre, héritage des fils, dot des filles. Saint-Eusèbe est également un instrument de la sociabilité des Castellane. L’actualisation périodique des rapports de la communauté monastique avec la famille fondatrice de fait par l’établissement de nouvelles relations avec des abbayes prestigieuses, Saint-Gilles, Lérins, à nouveau Saint-Gilles. Le monastère fonctionne alors comme un moyen d’intégrer ou de s’affirmer au sein des réseaux plus larges et de consolider ou renverser des alliances.