Cet article contribue à la controverse concernant la capacité des comptabilités socio-environnementales à encourager la transition écologique des organisations. Plus précisément, l’objectif de cet article est de questionner les pratiques de préparation du reporting extra-financier, notamment au travers de la théorie de l’appropriation. Cette recherche est le résultat d’une observation participante d’un an dans le cadre d’une expérimentation de la méthode CARE au sein d’un réseau de fermes. Dans le cas présenté, les acteurs sont très engagés en faveur de la soutenabilité et sont critiques à l’égard d’une approche mainstream du développement durable. Pour autant, ils n’échappent pas à certaines précompréhensions néoclassiques de la comptabilité, contribuant à représenter les ressources extra-financières d’une manière dissonante vis-à-vis de leurs engagements. Nous montrons donc qu’au-delà de la logique financière qui a déjà été traitée par la littérature, un nouvel obstacle apparaît : les préjugés néoclassiques. Parce qu’ils structurent l’interprétation des acteurs et qu’ils sont anticipés chez les autres, il est difficile de s’en départir.