Appréhender les formes de domination dans le secteur musical selon une perspective historique permet d’une part de remettre en cause l’idée selon laquelle la musique est le point de départ du processus industriel, « alors qu’elle en est, en réalité, le produit fini » . Et, d’autre part, de mettre en exergue le fait que le rock’n’roll « n’est pas une forme ou un moment révolutionnaire, mais une évolution, le paroxysme (…) d’une histoire qui a commencé avec le phonographe d’Edison » . L’essor de cette nouvelle esthétique musicale aux États-Unis dans les années 1950 a effectivement profondément impacté le travail musical avec l’arrivée de nouveaux producteurs indépendants . Le même phénomène s’est produit en France deux décennies plus tard, les premières formes de rock français s’étant faites cannibaliser par l’industrie du music-hall . À partir de l’étude d’un fonds d’archives inédit consacré à l’industrie phonographique française des années 1950 aux années 1970, la présente proposition vise d’abord à montrer comment les acteurs du secteur ont été connectés depuis le début du 20e siècle au marché international pour ensuite insister sur les stratégies qu’ont adoptées les majors pour conserver leur hégémonie. Les succès de labels indépendants (tels que Barclay et Vogue), et le développement de nouvelles formes de production musicale, ont donné lieu à une remise en cause de l’ordre établi pendant cette période, notamment au sein de l’unique syndicat des éditeurs phonographiques de l’époque (le SNICOP). Une partie de ce fonds concerne plus particulièrement une institution méconnue de l’industrie du disque en France, le Centre d’Information et de Documentation du Disque, qui a mené un ensemble d’actions en faveur des éditeurs phonographiques. Ainsi la politique d’anoblissement du disque menée a-t-elle permis aux professionnels du disque de légitimer leur domination économique et symbolique (par rapport aux éditeurs et aux producteurs de spectacles), et de devenir pour les pouvoirs publics les interlocuteurs privilégiés de l’industrie musicale dans son ensemble.