«Le monde devient noir» : L’inquiétante étrangeté de l’enfance dans le théâtre d’Olivier Choinière - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Jeu : Revue de théâtre Année : 2012

«Le monde devient noir» : L’inquiétante étrangeté de l’enfance dans le théâtre d’Olivier Choinière

Résumé

« Tout ça, c’est rien qu’un jeu ! » , affirme Lécureuil au terme du Bain des raines la première pièce d’Olivier Choinière (1998) où évoluent, autour d’une piscine désaffectée, quatre enfants qui ont entre 7 et 11 ans. Mais s’agit-il vraiment d’un jeu ? Si, comme dans les romans de cape et d’épée dont semblent parfois s’inspirer leurs aventures, les personnages se prêtent les uns aux autres des titres de « chevaliers-crasse », s’ils s’affrontent en duel, s’ils font des serments et partent en croisade, sabres au clair, contre ceux qui menacent leur territoire, leur jeu, qui engage bientôt la réalité, se révèle néanmoins violent, voire cruel, faisant deux victimes : une grenouille d’abord écrasée par Maestro, Lead ensuite submergé par une eau contre laquelle il a lutté tout au long de la pièce. C’est que ces enfants sont en « guerre » – terme récurrent dans Le Bain des raines – contre cette eau qui les menace en tant qu’elle favorise, selon eux, leur vieillissement : « A va te passer la maladie de l’eau, la maladie qui fait vieillir ! Si le chevalier-crasse protège comme il faut sa tache de naissance qui s’accroche à sa peau avec la ténacité d’un cerne autour d’un bain, la tache immunise contre le temps ! Mais si tu la laves, tu décides de vieillir pis de mourir » . L’univers ludique de l’enfance s’efface au profit d’un univers littéralement morbide – tous ces enfants se disent à un moment de la pièce malade ou souffrant –, puis macabre – avec la mort de Lead qui clôt la pièce. Tous sont en vérité hantés par la peur de grandir, de vieillir et, par là même, de se transformer , à l’instar du schizophrénique Georges qui est en vérité une jeune fille qui n’accepte pas de voir sa poitrine gonfler. Toute traumatisante qu’elle soit, cette transformation est néanmoins inévitable, le puissant Maestro y succombant lui-même ainsi qu’en témoigne sa langue, qualifiée d’« éloquente » en regard de celle, courante, de Lead ou de Lécureuil. Incontestablement, Le Bain des raines renvoie au spectateur une image trouble, particulièrement inquiétante de notre monde menacé à tout instant d’engloutissement, d’apocalypse, les personnages adoptant régulièrement des métaphores cataclysmiques pour décrire leur environnement . Convient-il pour autant de parler à son propos d’un théâtre critique qui, à la manière de celui d’Edward Bond par exemple, mettrait à l’épreuve la représentation que le spectateur a du monde ? C’est l’une des questions que cet article se proposera de soulever à partir d’une étude précise de la figure de l’enfant dans Le Bain des raines. On ne s’interdira pas pour autant des références à Œil (2009), pièce plus récente de l’auteur mais également teintée de cette même inquiétante étrangeté en tant que s’y trouve décrit avec une certaine cruauté les rapports que les enfants entretiennent entre eux, marqués d’une violence sourde, dévastatrice.

Mots clés

Fichier principal
Vignette du fichier
islandora_42097.pdf (218.47 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03254556 , version 1 (08-06-2021)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03254556 , version 1

Citer

Sylvain Diaz. «Le monde devient noir» : L’inquiétante étrangeté de l’enfance dans le théâtre d’Olivier Choinière. Jeu : Revue de théâtre, 2012, 142 : L’Enfant au théâtre, pp.68-73. ⟨hal-03254556⟩

Collections

SITE-ALSACE
16 Consultations
10 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More