Lubin, Passemar, Alex et les autres – Figures du parasite dans une œuvre elle-même parasitaire : Par-dessus bord de Michel Vinaver
Résumé
« Quelque chose aujourd’hui à vous proposer de sensationnel », lance Lubin, en ouverture de Par-dessus bord (1972), le grand œuvre de Michel Vinaver, à Mme Lépine qui refuse tout dialogue, arguant n’avoir besoin de rien. Dans cette scène d’Annonciation ainsi que la décrit l’auteur, Lubin s’impose néanmoins obstinément, parvenant finalement à vendre son produit à son interlocutrice. Aussi, dans sa présence importune, fait-il figure de parasite, participant au développement d’un microsystème économique à partir d’une structure déjà existante. Lubin n’est toutefois pas seul à faire figure de parasite dans la pièce. Par-dessus bord présente en effet une impressionnante galerie de figures parasitaires – toutes différentes – parmi lesquelles Passemar, figure « bouffonne » de l’auteur qui peine à trouver sa place dans l’entreprise dans laquelle il travaille ou Alex, jeune rescapé des camps de concentration qui peine, lui, à trouver sa place dans la société. Parasites, ces trois personnages – comme de nombreux autres dans le théâtre vinavérien : que l’on pense à Mme Aiguedon, dans Les Huissiers (1957) – sont pris dans le même mouvement contradictoire d’« adhésion » et d’« exclusion » : « tout se passe, explique Michel Vinaver, dans un mouvement double, contrarié : on va vers, on est rejeté hors de. On veut sortir de, on est happé par. Diastole, systole. […] C’est un peu comme si l’énergie dans les pièces provenait d’un mouvement d’oscillation entre ces deux pôles : entrer, sortir… ». La figure du parasite se révèle ainsi décisive dans cette œuvre majeure du répertoire contemporain, qu’il conviendrait de ce fait d’étudier. Ceci est d’autant plus vrai que Par-dessus bord est une pièce résolument parasitaire, prenant sa source dans de multiples textes qu’elle exploite ouvertement – tant les comédies d’Aristophane que les cours au Collège de France de Dumézil – et ouvrant à la production d’autres œuvres – tant les différentes versions de sa pièce que Michel Vinaver a lui-même établies que son adaptation en japonais par Oriza Hirata sous le titre La Hauteur à laquelle volent les oiseaux (2009). C’est donc ce double aspect parasitaire de l’œuvre vinavérienne que nous nous proposons d’étudier.
Domaines
Littératures
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)