Le metal symphonique est un genre musical développé à partir du heavy metal à la fin des années 1990. Popularisé dans les scènes européennes et sud-américaines dès les années 2000 par des groupes tels que Nightwish, Within Temptation, Epica ou encore Rhapsody of Fire, il se caractérise par l’adjonction d’un orchestre symphonique à la formation metal traditionnelle. Le genre résulte donc d’un bricolage – au sens de Claude Lévi-Strauss – entre deux univers radicalement opposés : le symphonisme de la tradition savante d’une part, et la radicalité contre-culturelle du heavy metal de l’autre. Pourtant, ce syncrétisme semble relativement stable, puisque le mouvement, âgé d’une vingtaine d’années, s’inscrit parmi les plus dynamiques de la scène metal. Après avoir présenté le metal symphonique et souligné l’influence déterminante de la musique de film néo-hollywoodienne dans ce mouvement, nous nous proposons d’étudier le genre au travers de l’exemple d’Imaginaerum. En effet, sous ce seul terme sont regroupées trois œuvres majeures du groupe finlandais Nightwish : un album sorti en 2011, un film réalisé en 2012 et une bande originale composée pour ce dernier. Ces trois objets sont caractéristiques de la démarche des musiciens de metal symphonique, pour qui le processus de création s’apparente à une appropriation et à une réorganisation d’influences variées. Ainsi, le film Imaginaerum présente de nombreuses références musicales et cinématographiques aux univers artistiques de figures telles que David Lynch, Christopher Nolan et Tim Burton. Ce dernier est notamment évoqué par le biais d’allusions au style musical de son compositeur attitré, Danny Elfman. En effet, en intégrant un certain nombre de « tricks musicaux » caractéristiques de ce compositeur, mais aussi en reprenant des séquences harmoniques spécifiques, Nightwish fait sien un langage musical extrêmement codifié et associé au cinéma gothique et fantaisiste de Tim Burton. En outre, le mélange des genres ne se limite pas à la dimension cinématographique, puisque la bande originale d’Imaginaerum est l’occasion d’une collaboration avec le compositeur de jeux vidéo Petri Alanko : en se basant sur l’ensemble du matériel sonore enregistré pour l’album éponyme de 2011, ce compositeur a eu pour mission de reconstruire une musique originale afin d’accompagner la majeure partie des scènes du film. Ainsi, aux multiples influences de Nightwish viennent s’ajouter celles d’un compositeur externe. Le statut de l’objet ainsi créé doit être questionné : peut-on qualifier ce patchwork d’« œuvre originale » ? Enfin, dans l’exemple d’Imaginaerum, les références sont si nombreuses que se pose la difficile question de l’originalité : au milieu de toutes ces citations et références musicales, littéraires et cinématographiques, le groupe arrive-t-il réellement à se détacher de ses modèles, ou tombe-t-il dans une vulgaire forme d’imitation, voire de plagiat ?