Fantômes de la Renaissance et de l’âge baroque
Résumé
EXTRAIT : Tout historien, de par son métier, se confronte au fantomal : il ravive les traces du passé et ressuscite les disparus, tel un 'medium' qui « fait parler les morts » (p. 16). Lorsque le travail porte sur les fantômes eux-mêmes, la spectralité redouble, ou pour mieux dire se trouve mise en abyme : a fortiori si la période étudiée est la « Renaissance » — ainsi nommée, comme l’on sait, par Jules Michelet, qu’inspirait le fantôme de sa défunte épouse. En cette époque de « survivances » (pour parler cette fois comme Aby Warburg), hantée par une Antiquité qu’elle fantasme de faire resurgir d’outre-tombe, non seulement les promoteurs des 'studia humanitatis' redécouvrent des manuscrits d’auteurs morts depuis des siècles et entendent les ramener du « monde souterrain » (Francesco Barbaro), mais c’est toute l’Europe qui se couvre de fantômes : au XVIe siècle surtout, et au XVIIe encore. Ils pullulent dans les maisons, les tribunaux et les livres, au point que Caroline Callard s’interroge : cette période de l’Histoire serait-elle plus hantée que d’autres ? En quoi constitue-t-elle un « moment spectral », à l’aube de notre Modernité ?
PLAN DE L'ARTICLE : 1/ Le "moment spectral" (contexte historique ; controverses théologiques ; littérature antique ; valorisation de la mélancolie ; révolution de l'imprimerie). 2/ Les spectres et la science. 3/ Fantômes domestiques et fantasmes d'alcôves. 4/ Une figure médiatrice universelle. 5/ L'intériorisation du fantôme ('spiritus phantasticus' et crise du sujet baroque).