Statuts et propriété foncière dans l'Athènes des IIIe et IIe siècles av. J.-C. : la question de l'enktésis
Résumé
The removing of the metoikion-tax levied by Athens on its foreign residents, at the latest in the second half of the 3rd century B.C., had no impact upon the overall exclusion of non-citizens from landed property. Until the middle of the 2nd century B.C., the city continued to reward some privileged foreigners with the right to acquire a house and, less often, some land on its territory (enktesis ges kai oikias), which proves that access to real property or credit activities secured by mortgage remained out of the scope of most non-citizens. With a corpus of 62 inscriptions ranging from the late 5th to the middle of the 2nd century B.C., Athens offers a case-study that allows us to show how little likely this privilege was to improve the economic position of metics: directed mostly at proxenoi, it seems to have been intended originally as an insurance policy, aiming at giving the city’s supporters abroad the insurance of being able to maintain their social status in case they would have to seek asylum in Athens. The evolution of the clauses attached to the grant of enktesis in the course of the 3rd and 2nd centuries, on which I concentrate in this study, helps to stress out the various limitations that hindered the use of the privilege, especially for economic activities. Not enktesis, but rather the grant of citizenship (politeia) was likely to provide the kind of institutional security that a professional banker needed for his lending activities. Two kinds of literary evidence however (the Attic Orators for the 4th century, and the wills attributed to the headmasters of the philosophical schools for the Hellenistic period) suggest that dealing with real property remained possible for foreigners in the absence of proper legal entitlement, although at the price of increased insecurity. The disappearance of enktesis from the epigraphic record in the course of the 2nd century B.C. seems to be best explained thus by the decline of proxeny, and by the fact that naturalization, which involved unlimited right to own real property, seems to have been more readily granted to rich foreigners from then on.
L’abolition du métoikion, la taxe pesant sur les étrangers résidents à Athènes, au plus tard dans la seconde moitié du IIIe siècle av. J.-C., n’a pas eu d’incidence sur l’accès des non-citoyens à la propriété foncière. Jusqu’au milieu du IIe siècle av. J.-C., la cité a continué d’accorder à de rares étrangers privilégiés le droit d’acquérir une maison et, plus rarement, des terres sur le territoire civique (enktésis gês kai oikias), un privilège dérogatoire qui prouve par son existence même que la propriété foncière et le crédit hypothécaire restaient autrement interdits à la vaste majorité des non-citoyens. L’étude attentive de l’enktésis, rendue possible à Athènes grâce à un corpus de 62 inscriptions gravées entre la fin du Ve siècle et le milieu du IIe siècle, permet de montrer que le privilège a eu un impact très limité sur la position économique des métèques : réservé en grande majorité à des proxènes, il vise d’abord à garantir à ces soutiens de la cité à l’étranger le maintien de leur statut social en cas d’exil forcé à Athènes. Les évolutions du formulaire au cours des IIIe et IIe siècles av. J.-C., sur lesquels se focalise cette étude, permettent de mieux mettre en lumière les nombreuses restrictions qui encadraient l’exercice du privilège et en atténuaient considérablement l’intérêt sur le plan économique. Seul l’octroi du droit de cité (politeia) apportait en définitive la sécurité institutionnelle nécessaire à l’exercice pérenne d’activités de crédit. L’examen de témoignages littéraires, enfin (Orateurs attiques pour l’époque classique et testaments de directeurs d’écoles philosophiques pour la période hellénistique), suggère cependant que des transactions foncières restaient possibles pour des étrangers en dehors d’un cadre institutionnel bien établi, mais au prix d’une insécurité accrue. Si l’enktésis disparaît de la documentation au cours du IIe siècle av. J.-C., c’est donc semble-t-il à la fois en raison du déclin de la proxénie, et parce que la naturalisation, assortie d’un droit de propriété sans limitation, semble désormais plus accessible aux étrangers aisés.