Produire de l’empathie ou de la distance ?
Résumé
L’article interroge le rapport entre cinéma et histoire à partir de deux films caractérisés par l’utilisation de quelques ressorts particuliers contribuant à mettre le spectateur à distance de du récit historique. L’Anglaise et le Duc (Rohmer, 2001), à travers des décors extérieurs composés des tableaux sur lesquels sont « incrustés » les personnages lorsqu’ils se trouvent à l’extérieur et traversent, pour ainsi dire, la Révolution, produit un effet dépaysant qui suspend l’empathie du spectateur pour les personnages historiques ; Marie-Antoinette (Coppola, 2006) produit un effet semblable en faisant un usage large de l’anachronisme et du télescopage des temps que celui-ci engendre. Ces deux films peuvent nous aider à penser un rapport entre histoire et fiction cinématographique autre, qui ne repose pas uniquement sur les effets cognitifs de l’empathie propre à la fiction que l’histoire ou l’historien pourraient rechercher afin de rendre plus accessibles leurs lectures du passé. Dans ce temps présent où l’empathie semble devenir une catégorie politique incontournable, on peut sans doute réévaluer la contribution, historienne et artistique, de la distance comme forme « autre » de connaissance.