Définir l’ars dicendi : enjeux et méthode de la réflexion cicéronienne dans le De oratore
Résumé
Dans le De oratore (55 av. J.-C.), Cicéron entend fonder une rhétorique nouvelle qui ne s’appuie plus sur d’autres théories qu’elle discuterait ou modifierait selon une approche scolastique : à l’inverse, cette rhétorique doit tirer sa doctrine de l’expérience et des réalités de l’éloquence romaine. Cette modification sensible du contenu de la doctrine modifie la définition de l’objet rhétorique dans le traité. En s’appuyant sur les développements philosophiques des livres I et III du De oratore, cet article analyse la redéfinition de l’ars dicendi par Cicéron, qui la présente désormais comme une quasi ars entendue comme ratio et détachée de la scientia. On tente de démontrer que, dans cette nouvelle approche, l’ars dicendi ne forme qu’une partie de l’ars oratoris (une notion qui apparaît pour la première fois dans ce traité et qui fait écho à l’enseignement d’Isocrate) qui regroupe quant à elle l’ensemble des savoirs, des dons et des compétences permettant une pratique maîtrisée de la parole publique. C’est la stricte définition de l’ars dicendi comme ratio qui permet à Cicéron d’introduire dans le domaine rhétorique le savoir général (humanitas, doctrina) et la philosophie : l’ars dicendi devenant un simple cadre conceptuel, le savoir et la maîtrise culturelle peuvent devenir les véritables moteurs de l’éloquence.