On s’étonne de lire dans Les Liaisons dangereuses, où Laclos est si avare de détails concrets, cette recommandation méticuleuse de Valmont à Cécile Volanges : « Vous trouverez, sous la même armoire où j'avais mis votre papier, de l'huile et une plume. Vous allez quelquefois chez vous à des heures où vous y êtes seule : il faut profiter pour huiler la serrure et les gonds. La seule attention à avoir, est de prendre garde aux taches qui déposeraient contre vous. » (Lettre 84) Plus loin, Valmont multipliera encore les indications techniques, sur le métier du « frotteur » du château, sur la manière d’utiliser une plume pour graisser les serrureries, etc. Il s’agit bien entendu d’ouvrir le passage du libertin vers la jeune innocente, mais aussi de surdéterminer cet acte technique en symbole libertin – tant ces lubrifications secrètes, prémices d’un viol, ne peuvent se lire que de manière oblique – mais également en symbole des « travaux de plume » constitutifs du roman lui-même. L’étude proposée ici élargira l’enquête suscitée par cet étonnement en montrant que ce thème de la porte est en réalité omniprésent dans un roman qui n’est décidément un « roman à clés » qu’en ce sens qu’il relève d’une serrurerie narrative fort bien huilée. Au-delà d’une recherche lexicale sur le texte du roman, je me propose également d’élargir l’enquête à la littérature libertine contemporaine, où les mêmes images font évidemment florès, mais aussi à des considérations sociologiques, linguistiques et technologiques permettant de mieux comprendre les résonances contemporaines du détail étudié.