Laurent Schwartz et le Vietnam : la “perte de l’innocence” - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2013

Laurent Schwartz et le Vietnam : la “perte de l’innocence”

Résumé

Laurent Schwartz, pourtant rompu au militantisme forgé à l’épreuve des guerres d’Indochine et d’Algérie, semble avoir lui aussi perdu son « innocence » militante pendant la guerre du Vietnam. Dominé par les trotskystes, le comité qu’il fonda en novembre 1966 – le Comité Vietnam National (CVN), aux côtés de Jean-Paul Sartre, Pierre Vidal-Naquet, Alfred Kastler et Henri Bartoli – fut progressivement récupéré par les Jeunesses communistes révolutionnaires et finit par échapper partiellement à l’orientation non violente que Laurent Schwartz tentait de lui voir conserver, contribuant au processus de radicalisation de la contestation en Mai 1968. Sa renommée scientifique et son activisme militant ont permis à Laurent Schwartz, malgré son appartenance au mouvement trotskyste, de développer rapidement des relations privilégiées avec plusieurs hauts responsables du Parti communiste vietnamien dans une période où ceux-ci étaient en quête d’appuis extérieurs à un PCF jugé, au moins jusqu’en 1968, trop prudent : au « Paix au Vietnam ! », slogan des communistes français, les trotskystes privilégiaient le « FNL vaincra ! », sans savoir d’ailleurs que le Front national de libération du Sud-Vietnam (FNL) était piloté par le Bureau politique à Hanoi. C’est dans le cadre du Tribunal Russell – une mise en scène judiciaire destinée à sensibiliser l’opinion internationale – que Laurent Schwartz s’est rendu au Vietnam pour la première fois, en 1968, avant de mettre en place avec la RDV une coopération scientifique qui s’est prolongée bien après la réunification de 1975-1976. Cette coopération lui valut de fréquenter régulièrement le Vietnam, aux heures les plus sombres de son histoire récente, et d’y rencontrer certains dirigeants. Mais les difficultés de ces derniers à gérer la reconstruction et la réconciliation nationales, après avoir suscité tant d’enthousiasme dans leur lutte contre les Américains, poussèrent Laurent Schwartz à adopter une distance critique à l’égard du régime sans pour autant renier, comme le firent nombre d’autres intellectuels face au phénomène des Boat People, son engagement militant aux côtés du Vietnam socialiste. Ainsi put-il faire libérer une poignée de prisonniers politiques. La voix de Laurent Schwartz sur le Vietnam, apparaît donc comme une voix indépendante qui, par sa capacité à entraîner une action concrète et positive, a su gagner la confiance de la frange modérée des dirigeants du Vietnam, dans la guerre comme dans la paix.

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Citer

Pierre Journoud. Laurent Schwartz et le Vietnam : la “perte de l’innocence”. Colloque « Les mathématiciens, la guerre et la paix », à l'Institut des sciences de la communication du CNRS (ISCC) le 8 février 2012, 2013, Paris, France. pp.81-94. ⟨hal-03069863⟩

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