Aborder les espaces urbains sahéliens conduit à faire le constat de leur positionnement à la marge des réseaux métropolitains mondiaux, mais aussi africains. Hormis Dakar qui bénéficie d’une localisation côtière, d’équipements et de services de haut niveau, les villes-capitales que sont Bamako, Niamey, Nouakchott, Ouagadougou ou N’Djamena se présentent comme des villes « secondaires », avec un rayonnement économique et culturel tout au plus restreint à leur espace national. Pourtant, l’ensemble de ces villes a connu une croissance démographique de grande ampleur au cours des dernières décennies, à l’instar de leurs homologues des pays du Golfe de Guinée. Leur population a pu doubler chaque dizaine d’années, bien que leur croissance actuelle tend pour certaines, à ralentir, en lien avec la baisse de l’apport des migrations internes et l’entrée dans la transition démographique. Cependant, même si les dynamiques de croissance de ces villes ne sont pas similaires, le croît rapide de leur population leur confère un profil original. Elles abritent une population jeune, en demande de formation, de travail, d’un accès aux aménités (santé et loisirs notamment), ce qui renvoie aussi à un processus de construction d’une urbanité qui a longtemps été refusé à nombre de leurs habitants. Pendant la colonisation, les villes sahéliennes se sont construites suivant la logique ségrégative propre à cette période. En cela, elles ne se distinguent pas des autres espaces urbains ouest-africains. « Autant la notion de ville fut niée au continent, autant le statut de citadins fut dénié à ses habitants. Rejetés hors de l’espace urbain, nié dans leur urbanité, les colonisés n’eurent d’autre solution que d’inventer leur propre rapport à la ville, de construire leur propre ville » (Goerg, 2006, p. 16). Le rejet d’une partie de ces habitants s’inscrit dans la morphologie urbaine, à travers un accès au foncier et à des formes d’habitat différenciés. La très forte croissance urbaine qui a suivi les indépendances, en particulier dans les années 1970, a participé à estomper ce modèle ségrégatif de la ville coloniale. Incapables de faire face à cet afflux de population, nombre de villes ont vu les quartiers dits spontanés se développer, conduisant à d’autres formes de différenciation qui ont en commun avec la situation coloniale, d’empêcher une partie des habitants d’accéder à la ville et à ses aménités, et plus globalement au statut de citadins. L’analyse de la croissance des villes sahéliennes sera conduite selon deux axes. D’une part, les villes-capitales semblent être prises dans un jeu qui les pousse vers un processus de métropolisation, présenté comme le modèle urbain de référence, tout en ayant à faire face à la poursuite de leur croissance, alors que toutes ne sont pas entrées dans la transition démographique. Autrement dit, le défi qui leur est posé est le suivant : comment entrer dans cette globalisation de l’urbain, alors même qu’une partie importante de la population n’a pas accès à un logement décent, à la scolarisation, à la santé ou au travail ? La focalisation des travaux sur les villes-capitales dissimule le rôle des villes petites et moyennes, qui constituent aussi des pôles de croissance à l’échelle régionale, en raison de leur fonction particulière (place marchande, ville frontalière par exemple). Le processus de décentralisation dans lequel se sont engagés les Etats depuis les années 1990 peut conduire ces villes à jouer un rôle plus important dans les équilibres territoriaux. D’autre part, il convient d’explorer la diversité métropolitaine de ces villes sahéliennes. Celle-ci se retrouve dans les processus de différenciation interne aux espaces urbains, dépend du stade de peuplement de chacune des villes. Les modes d’habiter, de se déplacer, de construire une urbanité originale ne sont pas identiques de Dakar à Bamako, de Niamey à N’Djamena.