Les recompositions récentes des territoires de montagne, avec la montée en puissance des usages récréatifs et environnementaux, la diversification des modèles agricoles, l'attention nouvelle portée à la forêt, ainsi que l'évolution de l'action publique territorialisée, entrainent une complexification des problématiques de gestion de l'espace et de structuration foncière. La montagne n'est pas en marge du grand renouveau des questions foncières, au premier rang desquelles celle de la pression sur les terres agricoles liée au développement de l'urbanisation dans certaines zones touristiques ou plus ou moins périurbaines. Cependant, dans la plus grande partie des espaces montagnards éloignés des pôles urbains, l'un des problèmes majeurs est celui de la mobilisation du foncier agricole en contexte de déprise, en particulier dans les zones intermédiaires situées entre les fonds de vallée et l'étage des forêts/estives. L'intensité de ces phénomènes de déprise et leurs effets sur l'évolution des milieux montagnards a conduit la puissance publique à proposer dès 1972 un dispositif global de soutien aux activités pastorales, prenant notamment en compte les spécificités du foncier en montagne par le biais des associations foncières pastorales (AFP). Outil réglementaire original ayant été largement mobilisé par les services pastoraux des différents massifs français depuis 40 ans , l'AFP n'a curieusement que très peu attiré l'attention des chercheurs en sciences humaines et sociales. Dans le cadre de cet article, nous souhaitons apporter un nouvel éclairage sur cette vieille dame, qui demeure l'un des outils les plus puissants d'action foncière en montagne, mais également un prisme remarquable pour analyser les relations de pouvoir à l'oeuvre autour des questions relatives à la propriété, l'agriculture et la gestion de l'espace. Plus particulièrement, nous nous appuyons sur l'exemple de la commune de Soulan en Ariège, pour analyser comment l'AFP est devenue un lieu d'expression des rapports de pouvoir, de mise au jour des oppositions entre usagers de l'espace voire de contestation, mais aussi un lieu de résolution des conflits et de réflexions collectives sur l'avenir du territoire. Il s'agit donc de mettre en débat l'idée que l'AFP est mobilisée par les habitants des petites communes de montagne comme un véritable outil de négociation des places attribuées ou revendiquées.