Le point de départ de l’ouvrage réside dans l’énigme suivante : pourquoi une réforme indéfiniment différée devient possible à un moment donné, alors qu’elle était complètement impensable jusqu’à lors ? Le cadre analytique original proposé pour répondre à cette question confère aux idées un rôle central dans l’explication du changement. Il permet de déconstruire les différents discours sur la PAC et de mieux comprendre les enjeux de sa réforme, leitmotiv européen depuis trois décennies. Syndicats représentant l’agriculture « moderne conventionnelle », organisations « paysannes », agriculteurs « alternatifs », producteurs spécialisés, lobby agroalimentaire, mais également économistes scientifiques, marxistes ou « libéraux », experts agricoles… Qui sont ces acteurs ? Quelle est la nature de leur contribution au début concernant la PAC ? Quelles relations entretiennent-ils avec les pouvoirs publics impliqués ? Quelle est leur influence respective sur les décisions prises aux niveaux national, européen et international ? L’analyse détaillée des mécanismes de la réforme de 1992, véritable « refondation » de la PAC dans un contexte spécifique de grandes négociations commerciales internationales, met en évidence les enjeux du fonctionnement d’une gouvernance européenne ouverte aux contraintes d’un espace d’action publique mondialisé. Elle permet de comprendre dans toute leur épaisseur historique, le scénario et le contenu du débat actuel sur la révision de la PAC (« Mid Term Review »), qui, 10 ans après, fait intervenir les mêmes acteurs dans des conditions similaires. Ingénieur agro-économiste de formation, actuellement chercheur en sciences politiques au CNRS, l’auteur appuie ses recherches sur diverses expériences participantes qu’elle a menées au sein d’institutions impliquées dans le débat sur la PAC (Département Economie et Sociologie Rurales de l’INRA, Direction de la Prévision du Ministère Français des Finances, DG VI de la Commission Européenne) ainsi que sur un grand nombre d’interviews d’acteurs sur le terrain, en France, à Bruxelles et dans les organisations internationales concernées.