La construction des libéralismes face à leurs adversaires, XVIIIe siècle-XIXe siècle
Résumé
Le vocable de « libéralisme » est aujourd’hui massivement utilisé dans le débat public. Il s’agit d’une étiquette commode pour désigner un vaste ensemble de théories et de politiques censées promouvoir la liberté, dont on a pris l’habitude de faire remonter les origines aux Lumières. Cette habitude pose un problème sérieux, car ce terme n’apparaît en fait qu’au milieu du XIXe siècle, alors que l’adjectif « libéral » renvoyait jusque-là aux activités dignes de l’homme libre, ou au caractère généreux d’une personne. Dès lors, l’utilisation de cet adjectif pour qualifier des textes antérieurs fait courir le risque d’en déformer le sens, en leur appliquant une grille de lecture anachronique et en projetant sur eux une définition contemporaine et parfois fluctuante du terme. De nombreux chercheurs ont ainsi mis en garde contre cet écueil, au moins depuis les travaux de Donald Winch [1978] et Knud Haakonssen [1981] au sujet de Smith, dont les remarques en ce sens ont plus récemment été prolongées par Daniel Diatkine [2007]. Si ce danger ne semble pas condamner absolument l’usage des termes « libéral » et « libéralisme » pour décrire la pensée d’auteurs du XVIIIe siècle, il devrait au minimum nous inviter à les utiliser très précautionneusement, et éventuellement à en reconnaître le caractère inadéquat, ou simplement inutile, en un certain nombre de cas.