Flüchtlingsromane: une nouvelle catégorie littéraire?
Résumé
Ces vingt dernières années, on recense nombre de romans de langue allemande mettant en scène des réfugiés en Allemagne ou en Autriche. Au plus tard en 2015, au moment de l'arrivée massive de réfugiés et de la parution du roman de Jenny Erpenbeck Gehen, ging, gegangen, la presse et la littérature critique commencent à utiliser le terme de « Flüchtlingsroman ». Observation extérieure de ce phénomène migratoire ou témoignage plus ou moins autobiographique, écriture dite engagée sur un sujet d'une grande actualité, le « Flüchtlingsroman » rend compte de destins tragiques et de situations hautement conflictuelles. Sur de nombreux points, ces romans rappellent les inquiétudes de ce que l'on nomme communément « Exilliteratur », et un certain nombre de liens peuvent être faits malgré la distance historique et la différence des contextes. Les « Flüchtlingsromane » en effet dénoncent d'une part les conditions de vie difficiles des réfugiés, les mécanismes d'exclusion et le régime d'asile, ils déploient d'autre part des questions aussi diverses que la perte de la patrie et l'impossibilité du retour, l'acculturation entendue comme une trahison de soi voire une aliénation qui n'est autre que le prix à payer de l'intégration. Toutefois – et c'est peut-être en cela que réside leur nouveauté –, face au scepticisme engendré par le concept de culture nationale, ils développent également une réflexion variée sur de nouvelles formes d'identités et de vies communes, dites hybrides, interculturelles ou transnationales. En cela, la langue allemande représente à la fois un défi et un moyen de témoigner, mais comment ? Nous nous proposons donc d'analyser ces romans qui depuis le tournant pensent la présence de réfugiés en Allemagne et en Autriche ainsi que les stratégies narratives élaborées pour garder une mémoire – critique ? – de ces événements.