L’interprétation des enceintes néolithiques a évolué au rythme des mouvements théoriques et idéologiques des dernières décennies : à une approche "matérialiste", visant des fonctions économiques comme l'échange et la défense s'est ajoutée une vision socio-politique par laquelle les implications du travail investi confèrent à ce type de site un statut de variable "proxy" de la complexité sociale et de l'évolution politique (Renfrew 1974) ; une conception "relativiste" s'est ensuite dégagée au cours des années 1980, focalisant sur le rôle idéologique et symbolique multiforme de telles constructions (Hodder 1990 ; Whittle 1996 ; Darvill & Thomas 2001) ; puis dans les années 1990, l’anthropologie de la violence et de la guerre est entrée dans le débat (Keeley 1996 ; Chapman 1999 ; Mercer 1999), avant que l'impact environnemental et climatique sur les premières sociétés agro-pastorales ne soit appelé en renfort (Magny 2004 ; Arbogast et al. 2006 ; Gronenborn 2007). Il reste aujourd'hui à jeter des ponts entre toutes ces dimensions, vraisemblablement imbriquées dans la réalité préhistorique. Les découvertes des trente dernières années montrent que les enceintes font partie intégrante du paysage néolithique ouest-européen. Ces installations ne sont pourtant ni ubiquistes, ni permanentes, mais se développent, sous des formes, à des périodes et dans des régions différentes, selon des trajectoires historiques et des dynamiques spatio-temporelles complexes. Elles illustrent des moments de la Préhistoire récente européenne où émergeraient des régulations sociales particulières, liées à une plus grande interaction des groupes humains et à une territorialité élargie. C'est à l'une de ces phases, à la fin du cinquième millénaire BC, que l'on s'intéressera ici. Les enceintes peuvent apparaître ainsi comme l'expression, institutionnalisée dans la culture matérielle et formalisée dans le paysage, d'une organisation socio-politique complexe rendue nécessaire par le développement de l'économie agro-pastorale et ses corrélats démographiques. Sous l'hypothèse raison¬nable que le flux des relations sociales et que les conflits à l'intérieur et entre les communautés adjacentes ont augmenté à mesure de l'élargissement de l'aire d'intégration sociale, les enceintes - certaines plus particulièrement - montreraient dans le même temps les deux faces de cette interaction : une coopération pacifique des groupes sociaux et une compétition violente inter-groupes. La question de la hiérarchisation politique s'impose dans cette problématique, notamment sous l'angle du contrôle des ressources stratégiques (eau, sol, forêt, matières premières lithiques, sel…), et au-delà, celle d'une stratification sociale durable. Nous proposons, dans cette communication, d'illustrer certains aspects de cette problématique qu'un projet franco-allemand, démarrant en 2010, a mis au cœur de son programme (ANR-DFG-09-FASHS-007).