La discipline n'a jamais été totalement étrangère aux finances publiques, comme le montre par exemple l'institution d'une « Cour de discipline budgétaire » par la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 1. Mais elle a pris une nouvelle dimension depuis la « crise des dettes souveraines 2 » dans laquelle se sont enfoncés la plupart des Etats européens depuis 2008. Dans ce contexte, l'intérêt de Michel Foucault pour les rapports d'assujettissement et de domination trouve en la matière une résonance inédite. La transformation profonde que connaissent les finances publiques sous l'influence de la « rationalité politique néolibérale 3 » les éloigne des considérations démocratiques qui fondaient jusqu'ici le droit applicable. Les finances publiques tendent à échapper au peuple, titulaire de la souveraineté, et à entrer « dans l'âge de l'orthopédie sociale 4 » avec la mise en place de la gouvernementalité néo-libérale. Comme le relève Foucault, le droit, à travers les règles, principes, techniques, procédures juridiques, prend sa part dans la mise en oeuvre des rapports de domination/assujettissement qui s'installent nouvellement entre personnes publiques et privées ou bien même entre personnes publiques : « Le droit, il faut le voir, (…) non du côté d'une légitimité à fixer, mais du côté des procédures d'assujettissement qu'il met en oeuvre. 5 » Dans les finances publiques contemporaines, les mécanismes de discipline qui adviennent par le droit en mutation s'articulent autour de deux faits économiques devenus structurants du discours économique, politique, juridique, administratif : la dette publique d'une part ; le déficit public d'autre part. Ils constituent deux des critères de convergence posés par le Traité sur l'Union économique et monétaire (dit Traité de Maastricht) du 7 février 1992, et figurent toujours dans l'actuel Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Mais l'adoption d'un point de vue foucaldien oblige le juriste à décaler son regard pour penser les notions de dette et de déficit publics. La dette publique, qui résulte de l'accumulation des besoins de financement des administrations publiques et peut donc s'apparenter à un stock, paraît s'inscrire dans une logique disciplinaire ordonnée autour de la sujétion et de la punition. De son côté, le déficit public correspond davantage à un flux entre les ressources et les charges qui constituent les budgets publics. Aussi, pour qui veut maîtriser l'équilibre entre elles, pour qui veut donc éviter leur déséquilibre, une approche davantage normalisatrice s'impose afin d'assurer la discipline budgétaire des administrations publiques. La dette publique peut donc être envisagée comme un vecteur de l'assujettissement de l'Etat, tandis que les budgets publics doivent l'être comme vecteur de la normalisation de son comportement.