La ville durable qui s’expose au grand public, se compose d’un ensemble de dispositifs physico-numériques (maquettes, images de synthèse, serious games) qui écrivent un genre particulier de produit culturel que nous qualifions de scientifico-politique. Que ce soit lors des grands événements portés par les acteurs territoriaux (métropoles, régions) sur leurs politiques d’urbanisme, ou lors d’expositions scientifiques commandées par l’Etat, un récit de la ville durable se construit et s’appuie explicitement sur la participation des publics soit par la référence à la figure de l’éco-citoyen soit par celle de l’habitant (public localisé) (Bailleul, 2009). Sans être l’émanation directe des industries culturelles, ces expositions ou grands événements sur l’urbanisme empruntent les codes d’une injonction à la participation qui passe par la mise en œuvre de dispositifs numériques favorisant une pseudo-interactivité entre le public et l’autorité scientifique ou politique. Ils configurent aujourd’hui divers supports médiatiques et sont devenus des instruments et des outils médiatiques promotionnels de la doctrine politique du développement durable, de la ville durable (Gagnebien, Bailleul, 2011). L’analyse menée se fonde sur l’observation de deux dispositifs d’exposition de la ville durable : l’événement "Viva-Cités" organisé à Rennes en octobre 2012 et l’exposition Océan, le climat et nous où était présenté le Jeu de l’adaptation à Universcience en 2011. Notre méthode renvoie à une sociologie de la réception, fondée sur l’analyse des interactions par observation et la réalisation d’entretiens avec les concepteurs et les publics. Comme le confirment des travaux de géographie, « les simulations à l’œuvre dans les jeux vidéo sont toujours orientées par les représentations [...] de leurs concepteurs. En ce sens, ils sont des "artefacts culturels" au travers desquels il est possible d’analyser les représentations de leurs concepteurs, mais aussi des joueurs » (Ter Minassian et Rufat, 2008). L’objectif des dispositifs analysés dans cette proposition est d’amener le visiteur à combiner différentes actions individuelles et collectives, à partir d’une compréhension globale du problème, qu’il s’agisse de l’avenir de la planète ou du territoire local ; cependant sans véritablement prendre en compte certaines dimensions sociales visibles (par exemple, un choix n’est pas sans conséquence sur la population quand il privilégie la biodiversité sur une ville surpeuplée). Nous montrons que ces environnements sémiotiques de la ville durable enjoignent les participants à changer leurs attitudes par des messages d’injonctions aux bons comportements (éco-responsables) mais aussi par l’expérience pseudo-participative qu’ils proposent au public. Le sentiment de coopération établi lors de la visite laisse penser que la responsabilité de la ville durable incombe à l’individu, qui par ses choix est un « héros du changement » (Gagnebien, 2012).