Le rapport final de la réunion d’experts organisée par le gouvernement de la Norvège, le Conseil de l’Europe et la Représentante spéciale de l’ONU à Oslo les 27 et 28 juin 2011 a rappelé parmi ces points essentiels : « l’école a une responsabilité sociale qui ne se limite pas à l’enseignement et à l’apprentissage. Les enfants passent une grande partie de leur temps à l’école. Les établissements scolaires doivent leur offrir un cadre physique et psychosocial sain qui favorise leur bien-être ». Ainsi l’École de la République, en plus de transmettre des connaissances et d’instruire, a pour mission d’éduquer les élèves aux valeurs de la citoyenneté et de la laïcité. Cet apprentissage implique notamment le rejet en son sein de toute forme de violences. Cependant, les violences paroxysmiques que connait l’institution scolaire sont la matière d’une surmédiatisation par les médias à l’exemple de l’agression d’une enseignante par un de ses élèves dans un collège à Créteil en octobre 2018 (Franceinfo, 2018). Pourtant les recherches scientifiques de ces trente dernières années tendent à prouver que les principales violences en milieu scolaire sont les microviolences entre élèves (Debarbieux, 2006) et le bullying selon l’expression des Anglo-saxons (Olweus, 1978). Ainsi en 2015, d’après la Direction de la Prospective et de la Performance (DEPP), environ 700 000 jeunes prétendent avoir fait l’expérience du harcèlement en France. En 2018, la même agence précise que les filles sont davantage exposées au cyberharcèlement et au sexting, un harcèlement à caractère sexiste et sexuel alors que les garçons sont surtout victimes de violences physiques. En outre, on constate que ces violences sont plus prégnantes dans les lycées professionnels. La nature des violences subies n’a pas changé, semble-t-il : les vols de fournitures, les mises à l’écart et les surnoms désagréables sont toujours les atteintes les plus citées (DEPP, 2018). En outre, les nouveaux moyens de communication, dont Internet est le représentant le plus évident (cyber violence, cyberharcèlement), tendent à invisibiliser une part des agressions tout en sous-estimant leurs effets. Pourtant, on sait aujourd’hui qu’elles peuvent avoir des conséquences graves sur les court, moyen et long termes pour les victimes et leurs auteurs : absentéisme, décrochage scolaire, sentiment de mal-être, dépression, conduites suicidaires, accoutumance à la violence (MEN, 2015). Force est de déplorer que les statistiques officielles sont insuffisantes et n’offrent qu’une vision très partielle et dramatique de ce phénomène des microviolences (Mucchielli, 2011) et de manière encore plus fragmentaire dans la région Caraïbe. Nous tenterons à partir d’enquêtes de victimation et d’entretiens de pallier les difficultés des sources existantes de rendre compte de la réalité de la « délinquance » scolaire. De plus, la mise en place différentielle des systèmes éducatifs ainsi que leur réception par les élèves influent vraisemblablement sur les pratiques déviantes que l’on retrouve à l’intérieur des établissements. Durkheim annonçait qu’« on n’explique qu’en comparant » (Durkheim, 1897). Ainsi la méthode comparative peut apparaitre comme l’outil privilégié du raisonnement en sciences sociales, comparable à la méthode expérimentale scientifique. Par la confrontation de situations différentes, on va chercher à mieux comprendre un phénomène. La méthode comparative « est également très efficace pour critiquer et améliorer les théories à prétention universelle » (Paquin, 2011, p.57). Il s’agira donc ici de comparer les victimes de violences ou d’incivilités récoltées dans différents établissements de Martinique et de Sainte-Lucie afin de les hiérarchiser et de dresser leur profil. Quelles sont les principales incivilités et délinquances qui caractérisent le Secondaire en Martinique et à Sainte-Lucie ? Voilà la question qui nous anime. En s’intéressant au point de vue des acteurs, il s’agira à partir d’enquêtes de victimation et d’entretiens de faire la lumière sur cette thématique importante qui concerne potentiellement une part grandissante de la jeunesse caribéenne. De plus, la comparaison entre Sainte-Lucie et la Martinique permettra de savoir s’il existe une violence en milieu scolaire ou des violences scolaires propres à chaque île. Pour conclure, il s’agira de vérifier si les données récoltées confirment ou infirment notre hypothèse générale, celle de l’écart qu’il peut y avoir entre la couverture médiatique des faits de violences à l’école et la réalité du terrain dans les Petites Antilles.