Pour quelqu’un ignorant de la diversité des modes de culture du sol à travers le monde, il peut sembler difficile de s’imaginer que l’homme ait pu se passer du concours de la force animale dans le cadre des travaux des champs, réputés pour leur pénibilité ; on perçoit, en effet, plutôt spontanément les animaux comme des auxiliaires naturels des cultivateurs. C’est ignorer cependant que le travail animal est postérieur à l’agriculture et à l’élevage d’au moins cinq millénaires. Ajoutons que si la relation homme-animal est systématiquement présente dans l’élevage et l’économie agricole, c’est seulement dans certaines agricultures sédentaires que l’animal est intégré dans le dispositif domestique et remplit le rôle d’instrument technique. Les premiers systèmes agraires se sont ainsi passés du secours de la traction animale pour les travaux agricoles, le labeur étant exclusivement manuel. Dans certaines régions, l’absence d’assistance animalière s’est du reste maintenue jusqu’à une période récente, comme c’est le cas en Afrique subsaharienne. Cet espace a toutefois ceci de remarquable qu’y a été importée tardivement, durant la période coloniale, la culture attelée lourde, non sans difficulté cependant. La réception de ce modèle agraire exogène, dépendant étroitement du travail animal, a dès lors profondément bouleversé l’agriculture locale. L’arrivée des bœufs de trait, parce que leurs mœurs étaient inconnues des cultivateurs locaux et que le rapport aux bovins était tout autre chez les pasteurs, provoqua une profonde acculturation.