Dans son Histoire de la Nouvelle France publiée pour la première fois en 1609, Marc Lescarbot, avocat catholique enrôlé sur la flotte du Sieur de Poutrincourt dans une expédition coloniale française en Amérique du Nord, entreprend de décrire la réalité nordique qu'il découvre. Il s'avère que la représentation de cette région intègre à plus d'un titre « l'imaginaire du Nord » que décrit Daniel Chartier 1 , que l'on trouve par exemple sous la plume de Jean-François Regnard et Pierre-Martin de La Martinière qui s'emploient tous deux à décrire, entre autres, la Laponie. Cependant, Marc Lescarbot minimise l'âpreté du climat pour dépeindre un Canada édénique au climat agréable et aux ressources abondantes. Mais cette transfiguration de la réalité nord amérindienne n'est pas un simple exercice de style : elle s'inscrit dans une stratégie publicitaire qui vise à promouvoir l'entreprise coloniale française pour contrer notamment la mainmise espagnole. De plus, le clivage entre les populations septentrionales et celles du Sud, en faveur des premières, qui seraient plus vertueuses, est dupliqué dans la description des populations américaines : les Acadiens seraient un avatar des Européens, tandis que les Brésiliens et les Floridiens, au Sud, seraient paillards, conformément notamment à la croyance théorisée par Jean Bodin selon laquelle les climats influenceraient les tempéraments. Cette valorisation des peuples du Nord est contemporaine du développement français du mythe du Gaulois-auquel est associé l'Amérindien du Nord-, alors opposé au type du Romain, dans la perspective de la revendication d'une culture nationale française qui se distinguerait de l'héritage latin. Il s'agira donc d'interroger dans cet article les enjeux de la sublimation, dans et par l'écriture, de l'Acadie qui, de pays du Nord peu accueillant, est transfigurée en contrée édénique.