Évolutions textuelles et grammaticales dans le corpus CONDÉ. Gestion et organisation des "univers de vérité" et évolution du sujet postverbal
Résumé
Le projet RIN CONDÉ (), qui se consacre à l’histoire de la coutumede Normandie, nous permet d’analyser de façon privilégiée l’évolution de la textualité dans letemps, notamment au regard de ce que nous appellons les « univers de vérité » : effectivement,l’application d’une décision de justice n’est jamais absolue, et un texte de loi doit toujours êtreinterprété. L’importance, ainsi, de l’arrestographie dans la tradition critique de la coutume(Cazals, 2014), ouvre des réflexions concernant la vérité de la parole des parties concernées parles procès, et la façon dont ces arrêts sont englobés dans le commentaire coutumier.
Ce système de glose nous permet alors de nous intéresser aux effets de polyphonie, et à lafaçon dont les auteurs gèrent l’insertion de discours extérieurs à leur propres analyses, etattribuent l’origine de telle ou telle parole à différents locuteurs ; leur dimension juridique nouspermet également de nous intéresser aux cadratifs spatio-temporels, dans la mesure oùl’application et l’interprétation de la coutume ne peut s’effectuer que dans un certain cadregéographique (au sein de la Normandie dans son ensemble, dans le domaine de Caux ou danstelle ou telle ville…), et selon certaines durées (certaines décisions sont éternelles, d’autreslimitées à quelques mois ou quelques années…).
Nous étudierons ainsi ces dispositifs textuels dans le temps, et nous nous intéresserons alors(i) aux phénomènes de « discours rapporté », du point de vue de leur balisage typodispositionnelet de la concordance des tiroirs verbaux ; (ii) à certains indicateurs spatiotemporels,et à leur position dans la proposition.
En outre, deux propriétés de ce corpus, que sont son caractère textuel stable et sa couverturetemporelle large, permettent de nous intéresser au devenir de phénomènes grammaticauxs’inscrivant sur le temps long. Les travaux de Marchello-Nizia et de Prévost montrent que laposition du sujet exprimé varie sur toute la période médiévale et au-delà. Nous examinons doncle sujet postverbal sur la période de six siècles, de 1250 à 1731. La méthode réunit des analysesqualitatives et quantitatives. L’approche repose d’une part sur une analyse systématique desegments continus de 300 propositions de six des textes, ce qui permet de repérer toutes lespostpositions quelle qu’en soit l’expression ; et d’autre part sur l’examen des postpositions dansles 500 premiers exemples de la forme il. L’analyse qualitative se concentre sur la configurationprécise dans laquelle se manifeste la postposition (en particulier, la nature de l’élément initial,topique, particule ou coordination) et sur la valeur de la relation propositionnelle exprimée(consécution ou concession).
Les résultats sont de trois ordres. D’une part, (i) on trouve la courbe descendante attendue,qui passe de 5% en 1250 à moins de 1% en 1731 ; cela s’oppose au cas d’inaccusatifs etd’inversions citatives, qui apparaissent à des taux imprévisibles. D’autre part, (ii) l’inversiondu sujet change de forme : elle passe d’une majorité de topiques initiaux au départ, à uncoordinateur initial au XVe siècle, à une particule exprimant une relation concessive au XVIIesiècle. Enfin, (iii) quand la courbe d’évolution n’a pas tout à fait la forme sinusoïdale attendue,c’est que le texte s’associe à une plus grande proportion de facteurs grammaticaux solidairesde l’inversion. On y trouve une confirmation de l’idée de Lightfoot (1999) selon laquellel’évolution de phénomènes majeurs comme l’ordre des mots est liée à des solidarités avec desfacteurs qui en soutiennent l’acquisition.
Voir la conférence sur : http://crisco.unicaen.fr/recherche/mrsh/forge/6363.
Ce système de glose nous permet alors de nous intéresser aux effets de polyphonie, et à lafaçon dont les auteurs gèrent l’insertion de discours extérieurs à leur propres analyses, etattribuent l’origine de telle ou telle parole à différents locuteurs ; leur dimension juridique nouspermet également de nous intéresser aux cadratifs spatio-temporels, dans la mesure oùl’application et l’interprétation de la coutume ne peut s’effectuer que dans un certain cadregéographique (au sein de la Normandie dans son ensemble, dans le domaine de Caux ou danstelle ou telle ville…), et selon certaines durées (certaines décisions sont éternelles, d’autreslimitées à quelques mois ou quelques années…).
Nous étudierons ainsi ces dispositifs textuels dans le temps, et nous nous intéresserons alors(i) aux phénomènes de « discours rapporté », du point de vue de leur balisage typodispositionnelet de la concordance des tiroirs verbaux ; (ii) à certains indicateurs spatiotemporels,et à leur position dans la proposition.
En outre, deux propriétés de ce corpus, que sont son caractère textuel stable et sa couverturetemporelle large, permettent de nous intéresser au devenir de phénomènes grammaticauxs’inscrivant sur le temps long. Les travaux de Marchello-Nizia et de Prévost montrent que laposition du sujet exprimé varie sur toute la période médiévale et au-delà. Nous examinons doncle sujet postverbal sur la période de six siècles, de 1250 à 1731. La méthode réunit des analysesqualitatives et quantitatives. L’approche repose d’une part sur une analyse systématique desegments continus de 300 propositions de six des textes, ce qui permet de repérer toutes lespostpositions quelle qu’en soit l’expression ; et d’autre part sur l’examen des postpositions dansles 500 premiers exemples de la forme il. L’analyse qualitative se concentre sur la configurationprécise dans laquelle se manifeste la postposition (en particulier, la nature de l’élément initial,topique, particule ou coordination) et sur la valeur de la relation propositionnelle exprimée(consécution ou concession).
Les résultats sont de trois ordres. D’une part, (i) on trouve la courbe descendante attendue,qui passe de 5% en 1250 à moins de 1% en 1731 ; cela s’oppose au cas d’inaccusatifs etd’inversions citatives, qui apparaissent à des taux imprévisibles. D’autre part, (ii) l’inversiondu sujet change de forme : elle passe d’une majorité de topiques initiaux au départ, à uncoordinateur initial au XVe siècle, à une particule exprimant une relation concessive au XVIIesiècle. Enfin, (iii) quand la courbe d’évolution n’a pas tout à fait la forme sinusoïdale attendue,c’est que le texte s’associe à une plus grande proportion de facteurs grammaticaux solidairesde l’inversion. On y trouve une confirmation de l’idée de Lightfoot (1999) selon laquellel’évolution de phénomènes majeurs comme l’ordre des mots est liée à des solidarités avec desfacteurs qui en soutiennent l’acquisition.
Voir la conférence sur : http://crisco.unicaen.fr/recherche/mrsh/forge/6363.