Trois tombes d’une richesse exceptionnelle ont été fouillées en 2002 au lieu-dit « La Tuilerie » à Saint-Dizier (Haute-Marne). Ce gisement se compose de deux hommes et d’une jeune femme inhumés avec un riche mobilier. Par ailleurs, un cheval de monte avait été enterré à 5 m de distance du groupe. L’ensemble est daté entre le second quart et la fin de la première moitié du VIe siècle. Les sépultures masculines consistent chacune en une chambre excavée tapissée d’un coffrage de bois. Un cercueil en chêne fermé par des équerres en fer en occupait la moitié nord. A l’intérieur reposait le défunt avec vêtements, accessoires vestimentaires et armes (épée, bouclier, scramasaxe, hache et flèches). La partie sud de la chambre était réservée au dépôt de vaisselle et d’objets en matériaux périssables, sans doute des coffres et des étoffes, révélés par des traces organiques. Les armes les plus volumineuses telles que lance et angon avaient été placées sur le couvercle de la chambre. Cette panoplie d’armes très complète signe à la fois le statut de guerrier et le haut rang social des deux hommes. En effet si dans les tombes mérovingiennes « classiques », la découverte d’armes telles que hache, scramasaxe et umbo de bouclier est courante, la présence - toujours en surplus - d’une épée, d’une lance et d’un angon comme à Saint-Dizier, est en revanche toujours révélatrice d’une élite. La jeune femme reposait dans une fosse plus simple, à l’intérieur d’un cercueil. Quatre fibules en argent et grenats maintenaient ses vêtements. Un bracelet en argent, une bague en or incrustée de grenats, un collier d’ambre et une cinquantaine de perles en verre, cristal de roche et ambre complétaient sa parure. Sur le cercueil avaient été placés deux verreries, un bassin en bronze et une céramique. Panoplie complète de guerrier avec la présence d’armes de prestige ; nombreux bijoux et objets de vaisselle richement décorés dont les cartes de répartition montrent une diffusion située majoritairement entre Seine et Rhin c’est-à-dire au cœur des royaumes francs ; aménagement standardisé des tombes ; tombe de cheval : autant d’éléments qui permettent de rattacher les tombes de Saint-Dizier au faciès archéologique des tombes dites « de chefs francs » du début du VIe siècle défini par Patrick Périn (1997). Ces tombes, retrouvées entre Seine et Rhin et entre les cours supérieurs du Rhin et du Danube, se distinguent par des associations d’objets similaires à quelques détails près, une architecture funéraire particulière et une disposition presque normalisée des objets, traduisant la volonté de montrer l’appartenance du défunt à un groupe social bien défini. Les tombes les plus précoces occupent le centre du royaume franc alors que les suivantes – au nombre desquelles comptent celles de Saint-Dizier - sont situées sur les marges du royaume franc. Leur rôle militaire et stratégique ne semble donc faire aucun doute : pour consolider sa conquête, Clovis puis ses descendants durent fixer une élite guerrière, s’assurant ainsi le contrôle sur des terres nouvellement conquises.